"On n'a plus besoin d'importer des salades" : au Danemark, la folle production d'une ferme verticale
On y fait pousser des légumes les uns au-dessus des autres, sur une quinzaine d'étages, sans soleil ni terre. La ferme verticale présentée comme la plus grande d’Europe, a ouvert il y a six mois à Copenhague, au Danemark.
Vous vous souvenez peut-être de l'usine Tricatel dans L'Aile ou la cuisse [film de Claude Zidi avec Louis de Funès et Coluche] avec ces salades produites sur chaîne de montage. C'est un peu le sentiment qu'on a chez Nordic Harvest, un immense entrepôt sans fenêtre de la banlieue de Copenhague, au Danemark. Pour y entrer, on enfile la blouse, on met la charlotte, et direction le sas de décontamination où l'on passe dans une sorte de sèche-cheveux géant. L'air qui arrive dans l'unité de production est également filtré. Il faut éviter qu'une bactérie ou un insecte ne perturbe la croissance des plantes.
Un rendement équivalent à 250 fois celui d'une ferme classique
Cette "unité de production" ressemble à une succession d'immenses étagères métalliques de 10 mètres de haut. Quatorze étages, tous baignés dans une lumière violette, celle de millions de LED pour la photosynthèse. Sous ces LED, on aperçoit des plaques où poussent épinards, laitues et choux frisés... Sans terre, sur une couche d'eau. "Toutes les plantes poussent selon une recette bien précise, explique Anders Riemann, fondateur de Nordic Harvest. Cette recette dicte la température, l'humidité, la teneur en CO2 dans l'air, les fertilisants dans l'eau, la vitesse du vent entre les étages… Et aussi l'intensité et le spectre de la lumière. Ça va donner une très haute qualité au produit final."
Une croissance rapide : 15 récoltes sont effectuées par an pour une même surface au sol. Le rendement est ici 250 fois celui d'une ferme classique, et cela sans pesticides se félicite Sabrina Pittroff, docteur en microbiologie, qui nous fait visiter le laboratoire de Nordic Harvest. "Il y a plein de fioles autour de nous et dedans, on a des bactéries du sol, explique-t-elle. Ça sent un peu comme la terre après la pluie. Ces bactéries vont produire des résidus de fermentation qui sont très bons pour les plantes. C'est comme du jus multivitaminé pour les plantes."
Engrais biologique mais forte robotisation, ici ce sont des machines qui plantent les graines, qui repiquent les pousses. Des chariots élévateurs permettent de manipuler les plaques de salades qui finissent sur le tapis roulant où travaille Joy. "C'est un tapis roulant qui vient de la machine à récolter et qui va vers la machine à emballer, affirme-t-elle. La machine à récolter coupe les racines sur les plaques, pour récupérer les feuilles, là comme ça."
Joy a-t-elle le sentiment de travailler dans une ferme ou dans une usine ? "Hum…une ferme-usine", répond-elle en souriant. Une ferme usine où la main d'œuvre est peu nombreuse : 40 personnes travaillent sur le site encore en développement. Elles ne seront à terme que 25.
Une production écologique ?
Peut-on considérer que c'est une production écologique ? C'est en tout cas ce qu'assure le fondateur Anders Riemann. Cet ancien financier assure s'être lancé dans cette aventure pour lutter contre le réchauffement climatique et redonner de l'espace aux forêts. Selon lui, c'est un système très économe : "L'eau est en circuit fermé, donc la seule eau consommée est celle qui se retrouve au final dans la plante."
Un litre d'eau consommée pour 1 kg de végétal récolté, alors que dans l'agriculture traditionnelle au Danemark, on utilise 250 litres d'eau pour 1 kg produit.
Anders Riemann, fondateur de Nordic Harvestà franceinfo
Anders Riemann ne communique pas en revanche sur la consommation d'électricité pour ses 20 000 plaques équipées de LED. On sait simplement que cette électricité provient de l'énergie éolienne. Enfin, les légumes qui poussent – et bientôt les fraises et les baies – n'ont pas le label biologique. C'est impossible en Europe pour tout ce qui est hors sol.
Un mode de production rentable
Les rendements sont très élevés, mais le prix de vente aussi : 20% plus cher que des salades bio. Un prix compensé, selon Nordic Harvest, par une durée de conservation plus longue et donc moins de gâchis. Toute la production est écoulée en grande surface. "Quand on se sera agrandi, on atteindra environ 1 000 tonnes par an", assure Flemming Dyring, directeur commercial, qui vise 5% du marché danois d'ici la fin de l'année.
Si vous construisez 15 usines de ce type au Danemark, ça couvre les deux-tiers de la consommation du pays. On n'a plus besoin d'importer de salades.
Flemming Dyring, directeur commercialà franceinfo
Les fermes verticales sont-elles les fermes de l'avenir ? Nordic Harvest entend en tout cas en ouvrir d'autres dans les pays scandinaves. Il en existe déjà à New York et au Japon. En France aussi, elles commencent à fleurir. À Château-Thierry (Aisne), la société Jungle produit depuis quelques mois des herbes aromatiques pour Monoprix et Intermarché. Des initiatives sont en cours également à Lyon ou encore à Paris dans une ancienne galerie de métro. C'est intéressant car proche des centres urbains où se trouvent les bouches à nourrir, mais cela pose la question de l'artificialisation des sols et de la consommation énergétique, mais aussi celle de l'envie du consommateur de se nourrir avec des plantes sorties d'usine.
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