La marine française déployée dans la mer Noire : "On n'est pas là pour mettre de l'huile sur le feu"
La frégate française "Auvergne" a passé trois semaines à naviguer dans les eaux internationales de la mer Noire, alors que les relations entre la Russie et l'Ukraine restent tendues autour de cette zone : une mission particulièrement sensible, sous la surveillance continuelle d'un bâtiment de guerre russe.
Même si la désescalade est souhaitée et espérée par Moscou et Washington, la situation reste tendue aux frontières de l'Ukraine et de la Russie, qui partagent toutes les deux l'accès à la mer Noire. Et dans ces eaux naviguent des bateaux étrangers qui tentent de maintenir le calme dans la zone. C'est le cas de la frégate Auvergne avec ses 140 mètres de long, ses 150 personnes à bord, ses sonars, ses missiles, ses torpilles, son hélicoptère.
Un jeu d'équilibriste entre les différentes puissances
L'Auvergne a passé trois semaines dans les eaux internationales de la Mer Noire pour une mission très sensible. Exercices avec les Roumains et les Ukrainiens, collecte de renseignements, et affichage du droit à naviguer partout, le tout sous la surveillance continuelle, comme annoncé par Moscou, d'un bâtiment de guerre russe. Le commandant de l'Auvergne, Paul du Vignaux, le "pacha", comme l'appellent les marins, le reconnaît : le jeu français dans la région est un jeu d'équilibriste.
"Notre déploiement en mer Noire n'est pas là pour mettre de l'huile sur le feu, loin de là. On use de notre droit de naviguer dans cette zone sans naïveté, en ayant une attitude ferme, mais non provocatrice."
Paul du Vignaux, commandant de l'"Auvergne"à franceinfo
Les Russes ne provoquent pas non plus, mais ils sont là, bien là. Au fil des jours et des nuits en mer Noire, jamais une minute, sans qu'on ne distingue, très nettement, la silhouette d'une frégate russe, ni collante, ni discrète, juste présente. "Celle-ci c'est une type Grigorovich" : le pacha la reconnaît assez vite car il a appris tous les bateaux de la zone. Elle se trouve alors à dix kilomètres, "un accompagnement tranquille", commente le commandant.
Et le jour où des chasseurs russes passent bas, mais pas directement au-dessus du bateau français, on entend un message radio de la passerelle. Les Sukhoï s'éloignent. Pas d'affolement sur la passerelle, juste une légère excitation et une petite jalousie de celles et ceux qui ont loupé le passage des avions de combat.
Ne pas apparaître comme provocant
Pour ne pas attiser les tensions, la France ne doit surtout pas apparaître comme provocante sur le terrain. Sur la frégate Auvergne est embarqué un Caïman, un hélicoptère suréquipé en radars et sonars, qui, en vol, donne à la frégate une vision plus large, des renseignements que le bateau, en surface, ne peut pas collecter. Et l'équipage de cet hélicoptère, en mer Noire, est plus attentif.
"Ce qui change pour nous, c'est qu'on va faire extrêmement attention à ce que nos vols ne soient pas mal interprétés. Par exemple, si on voit une unité militaire d'un pays tiers, on va essayer de ne pas avancer droit sur elle."
Cyrille, lieutenant de vaisseau et coordinateur tactique à bord du Caïmanà franceinfo
Le Caïman est sous les ordres du commandant de l'Auvergne : "C'est lui qui finalement va nous fixer les grands jalons de notre vol, détaille Cyrille. Il va nous dire par exemple : je ne veux pas que l'on s'approche trop près du bâtiment russe qui est derrière nous parce qu'ils pourraient mal l'interpréter. Donc, je vous demande de voler plutôt du côté opposé."
Pour le commandant Paul du Vignaux, le cap à tenir est clairement défini : avoir avec les Russes des relations de marins strictement professionnelles.
"Par exemple ce soir, on effectue des manœuvres d'entraînement à l'appontage avec notre hélicoptère. Donc on a pris contact avec le bateau russe qui est à proximité pour l'informer de ce qu'on allait faire, pour qu'ils ne soient pas surpris par notre manoeuvre."
Paul du Vignaux, commandant de l'Auvergneà franceinfo
L'idée c'est qu'aucun des deux camps ne se gêne. Russes d'un côté, Français de l'autre, alors qu'il n'y a pas si longtemps, les deux marines participaient à des exercices communs."Eux et nous, on est tous marins, poursuit le pacha, mais on est tous payés pour servir notre pays, qui n'ont pas toujours des intérêts convergents. Alors pas d'états d'âme à avoir aujourd'hui, moins de proximité et chacun fait son boulot."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.