Inondations : dans le Pas-de-Calais, le "découragement et la fatigue" des habitants des communes touchées par la catastrophe

Depuis maintenant plus d'une semaine, les habitants des communes du Pas-de-Calais touchées par les crues records de cinq rivières ont les pieds dans l'eau. La reconstruction s'annonce longue et compliquée.
Article rédigé par Alain Gastal, Gilles Gallinaro
Radio France
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Temps de lecture : 5 min
Jean-Pierre, habitant de Blendecques, a eu 1,10 mètre d'eau dans sa maison. (GILLES GALLINARO)

Une partie du Pas-de-Calais est toujours sous les eaux mercredi 15 novembre depuis maintenant plus d’une semaine. Cinq rivières désormais (la Liane, la Canche, l’Aa, la Lys et l'Hem) sont sorties de leur lit après des pluies diluviennes et ininterrompues. Les habitants du Pas-de-Calais ne sont pas près d’oublier cette semaine.

À Montreuil-sur-mer, Clotilde, munie de cuissardes et d’une combinaison, retourne récupérer quelques affaires dans sa maison située dans la ville basse. Cette partie de la commune est envahie depuis une semaine par les eaux de la Canche. "Mardi dernier, on a vu que ça commençait à monter tout doucement, on ne s'est pas trop inquiétés, raconte-t-elle. Mercredi, on rigolait moins et jeudi midi, on avait évacué." Aujourd'hui, la Montreuilloise ressent "du découragement, de la fatigue, mais maintenant le plus dur est à venir : tout ce qui est administratif et la reconstruction derrière. On sait que ça va être très long, que ça va prendre plusieurs mois voire une année. Rien que pour le temps de séchage de la maison, on nous parle de quatre à six mois et ensuite, on a tout à refaire : l'électricité, la chaudière, enlever les placo, le sol, ... On n'a plus de cuisine, plus de salle de bain. On repart à zéro."

Certaines maisons ne pourront pas être reconstruites

À Blendecques, autre ville sinistrée, Jean-Pierre, retraité, a demandé l’aide de la Croix Rouge pour déblayer sa petite maison. "Tout est à jeter, constate-t-il, fataliste. Ma femme n'était pas bien, elle voulait partir. Quand on l'a fait, il n'y avait pas d'eau, mais le lendemain quand on est revenus ..." L'un des agents de la Croix Rouge demande à Jean-Pierre jusqu'où l'eau est montée dans sa maison. "1 mètre 10", répond le retraité. "C'est une maison en brique, les murs ont l'air assez solides, estime l'agent de la Croix Rouge. Mais il y a des habitations en matériaux plus anciens qui ont l'air plus mal en point que celle-là avec des murs abimés, des planchers complètement défoncés. Il y a des coins où ils ne pourront pas reconstruire."

La commune de Blendecques accueille les sinistrés dans le gymnase. (GILLES GALLINARO)

Des maisons inhabitables pour longtemps qui risquent aussi de devenir invendables. L’ampleur de la crue a surpris tout le monde, y compris Jean-Claude, un ingénieur à la retraite qui habite Montreuil-sur-Mer depuis sa naissance. "Je suis né ici en 1943, raconte-t-il. Il y avait des crues de temps en temps, mais ça n'atteignait jamais le niveau de maintenant. Là-bas, la rivière arrivait à ras des berges, ça montait un peu dans les jardins, mais c'est tout. Il va falloir prévoir ce qui arrivera dans les prochaines années parce qu'à mon avis, on y aura encore droit dans quelque temps. Avec le réchauffement climatique, c'est très probable." 

Il faut se protéger avec des digues, des pompes, installer les bâtiments plus en hauteur, je ne sais pas, mais il faut réagir parce que ça recommencera, c'est sûr. Les précipitations n'ont plus rien à voir avec celles d'avant.

Jean-Claude, habitant de Montreuil-sur-Mer

à franceinfo

Les habitants du Pas-de-Calais sont en souffrance, en particulier les élus locaux. Les maires de petites communes sans grands moyens, seuls en première ligne au moins les premiers jours, sont débordés par l’ampleur de la catastrophe.

Olivier Deken, maire de Neuville-sous-Montreuil, 600 habitants, ville la plus sinistrée du département, reconnaît qu’il est à bout nerveusement : "Dans la nuit de lundi et mardi, je n'ai pas dormi. Dans la nuit de mardi à mercredi, j'ai dû dormir une heure ou deux. À un moment, la fatigue est arrivée, j'ai dormi, mais maintenant, c'est une pression autre, une pression morale assez difficile à gérer pour moi. Il y a des cellules de soutien psychologique qui ont été créées pour les élus. Moi ça fait une semaine que je tiens, je ne sais pas dans quel état je vais être après tout ça ..." 

Neuville-sous-Montreuil est une des communes du Pas-de-Calais les plus durement touchées par les crues. (GILLES GALINARO)

La nécessité d'un soutien psychologique pour les habitants

Une cellule de soutien psychologique, il en faudrait une aussi pour des sinistrés qui vont souffrir longtemps de cette crue. C’est ce que demande Anne-Sophie Cottigny, la médecin de Neuville-sous-Montreuil. Elle a demandé à continuer à suivre ses patients malgré l’inondation de son cabinet. Elle raconte : "Mon cabinet n'est plus accessible, mais on m'a rapidement proposé une salle pour consulter et j'ai pu continuer à le faire pendant les deux jours où on a été isolés. La détresse des gens, je la vois, ils sont en état de stress, de choc post-traumatique. Leur montrer qu'on est présent, qu'on est à l'écoute, c'est déjà important. On va voir pour mettre en place une cellule de crise et de soutien psychologique. Les médicaments ne font pas tout, la présence humaine fait pour beaucoup aussi."  

Les habitants du Pas-de-Calais n'en ont pas fini avec les inondations : la montée des eaux de la Canche a, de nouveau, inondée des pavillons et des entreprises, dont certains pour la 4eme fois en dix jours, dans le Boulonnais, mercredi 15 novembre. 

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