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Info franceinfo
"Ce n'est pas possible de séparer les familles" : 12 enfants palestiniens blessés accueillis en France, mais sans leurs frères et sœurs restés à Gaza
"Si on se compare aux enfants du monde entier, aucun d'entre nous ne vit une enfance normale à Gaza". Après une explosion survenue le 16 octobre dernier dans le centre de la bande de Gaza, ce garçon de 12 ans a perdu sa jambe droite et a dû subir une opération à l'autre jambe. Il est en chaise roulante, tient une peluche Mickey dans ses mains et joue avec une tablette tactile, comme tous les enfants de son âge.
Ce garçon restera anonyme à la demande de sa mère qui souhaite rester discrète. Il adore le football. Mais dès le début de la guerre, son club a fermé, il jouait donc dehors en ville : "Quand je suis allé chercher le ballon, il y a eu une grosse explosion et tout d'un coup, je me suis retrouvé projeté au sol, se souvient-il. Au début j'ai pensé que j'avais bloqué ma jambe dans une pierre, après j'ai réalisé que je l'avais perdue. L'autre jambe est grièvement blessée avec une fracture au niveau du bassin et de la hanche."
Cet enfant a d'abord été pris en charge dans des hôpitaux de Gaza avant d'être transféré en Égypte puis en France. Il s'y est fait des amis, il apprend le français mais garde un œil attentif sur la situation de son pays. "Nous sommes solidaires entre nous les enfants de Gaza, moi aussi évidemment. Car en plus des bombardements, il y a la famine", déplore-t-il. Actuellement en rééducation, il attend désormais que les médecins posent une prothèse dans les semaines qui viennent.
Un seul tuteur, pas de frères et sœurs évacués
Cet enfant est en France depuis plusieurs mois, avec sa mère. Aucun autre membre de la famille n'a pu les rejoindre. C'est en effet la condition imposée par l'Égypte au moment de l'évacuation. C'est d'ailleurs le cas pour tous les blessés : un seul tuteur, pas de frères et sœurs. Concernant cet enfant de 12 ans, il n'a jamais connu son père, mort quelques jours après sa naissance. En revanche, il a plusieurs frères et sœurs mineurs toujours sur place.
"C'est comme si mon corps était en France et que mon âme était bloquée avec mes autres enfants à Gaza."
la mère d'un enfant palestinien évacuéà franceinfo
Sa mère remercie la France de soigner son fils, mais elle tient absolument à livrer ce message : "Je souhaite que les autorités françaises fassent le maximum pour évacuer mes autres enfants. La situation est très préoccupante. Elle s'aggrave de jour en jour. Je veux vraiment les faire évacuer au plus vite. J'ai peur pour eux... En tant que mère, je suis profondément atteinte psychologiquement. Je suis déchirée entre le petit ici et mes enfants bloqués au milieu de cette guerre", déplore-t-elle. Cette mère et son fils ont demandé l'asile il y a un mois. Une fois l'asile obtenu, ils pourront solliciter une "réunification familiale".
"Les conventions internationales ne sont pas respectées" par la France
Le délai de la procédure de réunification familiale risque d'être très long. Le seul moyen de rassembler cette famille et autres actuellement en France, c'est de formuler une demande d'évacuation d'urgence au ministère des Affaires étrangères, ce qu'a fait Amel Délimi, avocate au barreau de Seine-Saint-Denis : "Nous n'avons obtenu aucune réponse, regrette cette membre du collectif des avocats France-Palestine. Ce n'est pas parce qu'on décide de prendre en charge des enfants que l'on doit séparer les familles, ce n'est pas possible. On ne peut pas, en décidant de prendre en charge des enfants blessés, parallèlement violer l'intérêt supérieur des enfants et ne pas respecter les conventions internationales, dont la France est signataire", rappelle l'avocate.
"Le silence auquel on fait face, il est incompréhensible."
Amel Délimi, avocate membre du collectif des avocats France-Palestineà franceinfo
Depuis le début du conflit, la France a évacué un peu plus de 200 personnes de la bande de Gaza, à chaque fois il a fallu l'accord des Israéliens.
Le sort de ces familles se joue au niveau politique et diplomatique
Devant le mutisme des autorités à ce sujet, Pascal Savoldelli, sénateur communiste du Val-de-Marne, a officiellement posé la question par écrit au ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Lui non plus n'a pas obtenu de réponse pour l'instant. Ce sénateur estime également que le nombre d'enfants hospitalisés en France est très faible eu égard à la situation dans la bande de Gaza. L'Unicef indique que "12 300 enfants auraient été blessés" depuis le début du conflit. "Vous voyez la proportionnalité du désastre humanitaire que c'est et, de l'autre côté, un objectif qui n'est quand même pas très ambitieux, fait remarquer Pascal Savoldelli. La France a su mieux faire. Je pense que du point de vue du rang qui doit être celui de la France dans sa capacité d'accueil par rapport à ses enfants, on est largement en dessous de ce qu'on peut faire."
"Il y a un manque de volonté politique, c'est indéniable."
Pascal Savoldelli, sénateur PCF du Val-de-Marneà franceinfo
L'Italie, par exemple, prend en charge quatre fois plus d'enfants, au nombre de 51 pour l'instant. De l'autre côté des Alpes, on estime même pouvoir en accueillir plus d'une centaine de jeunes Palestiniens. En France, l'objectif est de recevoir jusqu'à 50 patients mineurs. Le ministère des Affaires étrangères confirme à franceinfo "que 12 enfants sont actuellement hospitalisés en France et qu'il "travaille à de nouvelles opérations".
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