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Des groupes privés à but lucratif au secours des déserts médicaux : "Le jour de l'ouverture à 8 heures du matin, il y avait déjà 14 personnes"

Des centres de santé d’un nouveau genre arrivent en France. Ils salarient des médecins généralistes et rationalisent la prise en charge des patients. Exemple à Pierrelatte, dans la Drôme, où le groupe Ramsay Santé, un géant de la santé privé, a ouvert son premier centre et où franceinfo s'est rendu.

Article rédigé par franceinfo - Boris Loumagne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un cabinet médical, à Belfort (illustration). (LIONEL VADAM  / MAXPPP)

Un géant de la médecine privée pour régler le problème des déserts médicaux : le groupe Ramsay Santé, multinationale australienne et leader de l’hôpital privé en France, a ouvert en 2022 quatre centres de santé d’un nouveau genre. Les médecins y sont salariés, ne travaillent pas plus de 40 heures par semaine et l’organisation des soins est rationalisée pour accueillir plus de patients.

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Le premier de ces centres de santé a ouvert à Pierrelatte, dans la Drôme, où il était très attendu. Parmi les 15 000 habitants de la ville, un tiers n'a pas de médecin traitant. C’était le cas de Simone, 69 ans, que nous avons rencontrée dans la salle d’attente du nouveau centre Ramsay qui a ouvert fin janvier : "Il n'y en a pas beaucoup de médecins dans la ville. Le nôtre est parti au mois de décembre en retraite. J'ai quand même une pathologie assez lourde donc il me fallait absolument un médecin. Le jour où le cabinet a ouvert, je suis venue devant la porte à 8 heures du matin et il y avait 14 personnes."

Simone, 69 ans, dans la salle d’attente du nouveau centre Ramsay qui a ouvert fin janvier. (BORIS LOUMAGNE / RADIO FRANCE)

Quatre jours après l’ouverture du centre, il y avait déjà 600 patients inscrits dans les plannings. L’objectif de l'établissement étant que chacun de ses quatre généralistes soigne 50 % de patients en plus qu'un médecin libéral. Pour y parvenir, le centre optimise le temps médical : deux secrétaires gèrent l’administratif et le paiement. Une infirmière constitue un dossier complet des patients avec les antécédents, le ou les traitements en cours et les modes de vie du patient. En délégant toutes ces tâches, le médecin gagne du temps et peut traiter ainsi plus de patients.

Un tri des patients selon la rentabilité ?

Le mode de rémunération des médecins est également remanié. Dans ces centres, les généralistes ne sont pas payés à la consultation mais au forfait. L’Assurance maladie verse au centre Ramsay une somme annuelle pour chaque patient. Plus le patient est âgé, plus sa maladie est grave et plus la somme est importante. Un fonctionnement qui soulève l'inquiétude de certaines organisations professionnelles.

"Le groupe ne dépense pas un centime, déplore Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l'Union française pour une médecine libre. En revanche, le centre a des médecins qui sont payés par la solidarité nationale. Pour eux, c'est tout bénef ! Ils ont calculé le nombre de patients diabétiques qu'ils vont avoir et le coût de la prise en charge du diabète à l'année. Ils présentent la note à l'Assurance maladie en disant : 'Ça fera tant, donnez-nous une enveloppe, on la gère et on paye les salariés.' Mais la clinique a la charge de ne pas dépasser l'enveloppe."

"On ne veut pas de cette médecine de supermarché. Ce n'est pas la place de ces groupes-là de venir sur une médecine indépendante qui protège le patient."

Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre

à franceinfo

Jérôme Marty et d'autres évoquent un tri des patients en fonction de leur rentabilité. Il est encore un peu tôt pour le dire. Ramsay réfute d'ailleurs cette accusation.

Un salariat attirant pour les médecins

Avec ce forfait versé à Ramsay, l'entreprise salarie les généralistes. Ce salariat est synonyme de stabilité : salaire fixe, un nombre d’heures limité et 40 heures par semaine. Ce qui a convaincu la Dr Anne Dubois Garnier, qui vient de rejoindre le centre. Elle y a trouvé un confort de vie qu’elle n’avait pas quand elle exerçait en libéral : "Il y a une pression liée à la paperasse et tout simplement au nombre de patient. On n'est pas des machines ! On dit oui, mais au prix d'heures et d'heures de travail. Pour moi, faire de la médecine générale, le métier que j'adore, 40 heures par semaine sur quatre jours, ça change tout. Je pense que c'est ce qui pourra permettre à des jeunes médecins de se mettre dans cette dynamique."


La Dr Anne Dubois-Garnier à son bureau du centre Ramsay. (BORIS LOUMAGNE / RADIO FRANCE)

Et le salariat semble fonctionner : la mairie de Pierrelatte l’a bien constaté. Depuis des années, elle tente d’attirer, sans succès, de nouveaux praticiens sur sa commune alors qu'en quelques mois, le groupe Ramsay va permettre l’installation de quatre généralistes d’un coup. Un premier succès donc pour le géant de la santé qui ne compte pas s'arrêter là. Si cete expérimentation locale est probante, Ramsay souhaite créer de nombreux centres un peu partout en France.

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