Dépistage, traçage, restrictions sanitaires... Comment nos voisins européens gèrent-ils la deuxième vague de Covid-19 ?
Franceinfo vous emmène en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne où les chiffres de contaminations repartent à la hausse et où de nouvelles mesures sont annoncées. Les restrictions sont souvent mieux acceptées par la population mais comme en France, régions et gouvernement central s'opposent.
Partout en Europe, on renforce les mesures de restrictions pour endiguer une deuxième vague du Covid-19. Chaque pays, en tâtonnant parfois, cherche la bonne formule. Le point commun est que tous veulent éviter un nouveau confinement général, pour ne pas paralyser l'économie comme au printemps.
Des mesures régionalisées au Royaume-Uni
En Grande-Bretagne, où 42 000 personnes sont mortes du coronavirus depuis le début de l’épidémie, les mesures sont déjà très strictes et le gouvernement doit annoncer, lundi 12 octobre, un nouveau tour de vis, notamment pour l’Angleterre. Pour le moment, la règle de base anti Covid-19 en Grande-Bretagne c'est que les rassemblements se limitent à six personnes - à l ’intérieur comme à l’extérieur, enfant ou adulte - et que les pubs et les restaurants ferment à 22 heures.
Ce lundi, Boris Johnson, le Premier ministre, va créer trois niveaux en fonction du taux d’infection dans la zone géographique. Niveau 1 : on conserve les restrictions générales. Pour les niveaux 2 et 3, de nouvelles restrictions devraient s'ajouter. Pour le niveau 3, cela pourrait aller jusqu’à la fermeture pure et simple des bars et restaurants. Les villes du nord, Newcastle, Manchester et Liverpool notamment, sont dans le viseur des autorités, le virus s'y propageant à toute vitesse.
Madrid sous état d'urgence
En Espagne, près de quatre millions de personnes sont aujourd’hui limitées dans leurs déplacements. Le gouvernement a décrété l'état d'urgence, vendredi 9 octobre, à Madrid et dans neuf municipalités voisines, pour quinze jours. Il n'est possible d'entrer ou de sortir de ces communes qu'en cas de force majeure : pour aller au travail, à l'école ou pour aider une personne âgée.
Plus de 860 000 cas de contamination ont été recensés sur le territoire espagnol depuis le début de la pandémie. Le pays enregistre 10 000 nouveaux malades chaque jour, ce qui pousse les régions à prendre des mesures localisées. Dimanche 11 octobre, la Navarre, région frontalière avec la France, a décidé, pour les deux prochaines semaines, de fermer à 22 heures tous les restaurants, bars et autre locaux commerciaux, loin des habitudes des Espagnols.
Indossare una mascherina non è solamente un obbligo, ma un gesto di responsabilità verso tutta la comunità nazionale. Proteggi te stesso, proteggi gli altri. #ioindossolamascherina pic.twitter.com/XdDR0sjHW6
— Palazzo_Chigi (@Palazzo_Chigi) October 9, 2020
L'Italie est également confrontée à une reprise de l'épidémie de Covid-19. Les chiffres de contamination sont équivalents à ceux du mois de mars. Les soins intensifs sont de plus en plus sollicités, alors le gouvernement anticipe et va annoncer de nouvelles mesures ce lundi soir. Les rassemblements familiaux, où le coronavirus se diffuse majoritairement, vont être soumis à des restrictions supplémentaires. Giuseppe Conte, le très populaire président du Conseil italien, a prévenu : "Nous voulons éviter par tous les moyens de nouvelles restrictions économiques et sociales. Voilà pourquoi nous recommandons à tous, même en famille, de faire attention."
Nous vivons avec des personnes âgées, fragiles, vulnérables, même à la maison il faut respecter les distances et si l’on se rapproche, il faut les protéger en portant le masque, comme avec les amis ou les connaissances que nous recevons chez nous.
Giuseppe Conte, président du Conseil italien
"C’est une recommandation, mais une forte recommandation", a conclu le chef de l'éxécutif italien.
StopCovid bien plus populaire qu'en France
Les Italiens, particulièrement disciplinés, ont plutôt tendance à suivre les conseils des autorités. Ils sont plus de huit millions à avoir téléchargé l'équivalent italien de l'application StopCovid, dont près d’un million et demi la semaine dernière. Un Italien de plus de 14 ans sur cinq utilise l'application de traçage des cas contact. Même dans les bars, les clients sont invités à donner leurs coordonnées avant la fermeture de l'établissement à 23 heures.
Les Britanniques sont eux aussi plutôt volontaires pour améliorer la cartographie de l'épidémie de Covid-19 mais la technique ne suit pas. L'application NHS Covid-19 aurait dû être lancée en juin mais la première version était défaillante. Elle est opérationnelle depuis deux semaines et demi seulement. Le succès a été très rapide avec plus de dix millions de téléchargements dès les premiers jours. Mais un fichier excel défaillant, un simple fichier excel, a perdu 48 000 cas contacts, 48 000 personnes exposées directement à un malade du Covid-19. Il a fallu les retrouver, avec beaucoup de retard et avec la certitude que ce bug a clairement contribué à la propagation du virus.
The #NHSCOVID19app has several key features to help protect you and your loved ones, including:
— NHS COVID-19 app (@NHSCOVID19app) October 10, 2020
➡️ Contact tracing
➡️ Alerts based on your postcode district
➡️ QR code check-in at venues
➡️ Symptom checker
Find out more: https://t.co/rzgGGmuV13 pic.twitter.com/MJCqWrvj8V
En Espagne, la majorité des régions ont mis en place l'application nationale de traçage dès sa création, au mois d'août. Mais à Madrid, elle n'est opérationnelle que depuis la semaine dernière à cause de problèmes informatiques. La région a fait des tests dans une ville au nord de la capitale le mois dernier avant de la rendre totalement fonctionnelle. Pour des raisons techniques également, l'applicaton ne fonctionne toujours pas en Catalogne, autre foyer important de propagation du coronavirus. Seuls 10% des Espagnols l’ont téléchargée, ce qui est déjà nettement mieux que les 3% de téléchargements français. Mais le gouvernement espagnol tablait sur 20% car le< traçage des cas de contamination est le problème numéro 1 dans le pays. L’Espagne manque de moyens, de personnel, conséquences toujours prégnantes des politiques d’austérité mises en place après la crise économique de 2008.
Pouvoir central contre pouvoir local
Même si les mesures anti Covid-19 semblent mieux acceptées chez nos voisins européens, elles suscitent tout de même, comme chez nous, des dissensions politiques fortes entre pouvoir central et local. En Angleterre, certains élus du nord du pays ont l’impression que les décisions sont prises à Londres, au sud, sans concertation. Cette contestation s'exprime dans l'opposition mais aussi au sein de la majorité, à l'image du responsable de l’agglomération de Bolton, David Greenhalgh, interrogé par la BBC : "Je conseille au gouvernement d’écouter, s’il vous plaît, les voix du nord du pays, nous ne sommes pas traités comme les autres."
Nous savons que nos taux d’infection sont élevés, on ne le sous-estime pas. Nous devons trouver une solution. Mais pourquoi le nord aurait-il un traitement différent du reste du pays ?
David Greenhalgh, élu du nord de l'Angleterreà la BBC
L'une des mesures très critiquées concerne l'aide au secteur privé. Si des entreprises sont fermées, l’État ne prend en charge que les 2/3 des salaires. Une politique inadmissible pour les élus du nord où la pauvreté est bien plus forte qu'au sud du pays. En fonction des annonces dévoilées ce lundi, certains évoquent déjà la possibilité d’un recours en justice.
En Espagne ça ne se passe pas beaucoup mieux. Les relations n'ont jamais été simples entre le gouvernement central et les régions mais aujourd'hui, c'est carrément la guerre ouverte entre la région de Madrid et les services du Premier ministre. La région est une sorte de vaisseau amiral de la droite du Parti Populaire, face au gouvernement central de gauche. Les autorités régionales étaient contre l'état d'urgence préférant des mises sous cloche de certains quartiers. C'est ce qu'elles avaient fait il y a quelques semaines, provoquant d'ailleurs des manifestations des habitants se sentant stigmatisés.
Pedro Sanchez, le chef du gouvernement espagnol, a justifié l'état d'urgence en disant que le gouvernement devait agir. Avant lui c'est Salvador Illa, le pourtant si pragmatique et calme ministre de la Santé, qui s’est franchement énervé.
La présidente de la Région de Madrid a décidé de ne rien faire. À partir de là, la patience a ses limites.
Salvador Illa, ministre espagnol de la Santé
"Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, a poursuivi Salvador Illa. En conséquence il faut prendre des mesures pour protéger la santé des Madrilènes, éviter que la situation se propage à d'autres régions et mette en danger la santé de plus de personnes."
En Italie, l'état d'urgence reste en vigueur jusqu'au 31 janvier - un an au total - ce qui limite la marge de manoeuvre des régions pourtant puissantes. Elles ne peuvent pas prendre de mesures moins contraignantes que Rome. Certaines évoquent déjà des reconfinements locaux, mais l’opposition de droite veut éviter que l’on bloque la machine économique qui peine à repartir.
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