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À Toulouse, le contournement de la carte scolaire devient une arme contre la "ghettoïsation" de certains établissements

Une expérimentation permet à des élèves de quartiers populaires d'être scolarisés dans des quartiers favorisés du centre-ville ou des environs. Les adolescents affichent des progrès importants, qui doivent être confirmés à plus long terme.

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le collège Léonard de Vinci à Tournefeuille dans l'académie de Toulouse. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

Il est 7h25, au pied des grandes tours d'immeubles de la Reynerie, l'un des quartiers du Mirail à Toulouse. Il fait encore nuit quand une vingtaine d'adolescents montent dans un car blanc direction Tournefeuille, une commune aisée de l'agglomération toulousaine, à dix kilomètres de là. Si certains râlent un peu de devoir se lever à l'aube, pour traverser toute la ville, ça ne dérange pas plus que ça, Adam, en classe de 4e, tout sourire sous sa casquette. "Ça ne me fait pas grand-chose, c'est pas si loin et ça ne me dérange pas trop. Ce collège est un peu strict mais on se sent bien dedans", affirme-t-il.

Contourner la carte scolaire, non pas pour permettre aux jeunes de milieux favorisés d'être scolarisés hors de leur secteur - comme c'est encore majoritairement le cas -  mais pour aider les collégiens en difficulté, c’est l’expérience pilotée par le Conseil départemental de Haute-Garonne. Cela fait maintenant quatre ans que des élèves des zones populaires du Mirail sont scolarisés dans des collèges huppés du centre-ville et de ses environs.

Adam n'est pas le seul à apprécier son collège, pourtant situé loin de chez lui. En tout, deux établissements du Mirail ont été progressivement fermés, depuis 2017. Ils concentraient des difficultés sociales, économiques, scolaires. Ils seront reconstruits ailleurs.

"Ici c'est plus calme, il n'y a pas trop de bagarre"

Au total, un millier d'élèves du secteur sont répartis dans onze autres établissements, plus favorisés. Si au départ il y a eu des résistances de quelques enseignants et de certaines familles, hostiles au projet, la solution convient aujourd'hui à Malik, 12 ans : "Ici c'est plus calme, il n'y a pas trop de bagarre. Je travaille énormément, je fais beaucoup mes devoirs, je révise."

À Tournefeuille, 115 élèves "de la mixité" sont accueillis dans ce collège Léonard de Vinci, qui compte en tout 761 adolescents avec entre autres des familles d'ingénieurs de Thalès ou d'Airbus.

Le collège Léonard de Vinci à Tournefeuille dans l'Académie de Toulouse. (NOEMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

C'est un gros défi pour les enseignants, certains ont été étonnés des écarts de niveau entre élèves. C'est le cas d'Anne Balland, professeur de français. Elle a complètement modifié ses manières d'enseigner, en s'inspirant notamment de ce qui se fait en niveau CE1, CE2. "Écrire des phrases simples, avec sujet, verbe et complément ce n'est pas acquis pour tous ces élèves-là. La graphie aussi ce n'est pas évident. Donc on reprend des bases sous des formes plus ludiques et ça marche. Après les résultats... quand je dis que c'est mitigé c'est-à-dire que ce n'est pas à la hauteur de ce qu'on attend d'un élève en fin de 6e."

"En 6e on a des élèves qui n'ont pas acquis la lecture."

Anne Balland, professeur de français

à franceinfo

L'un des constats partagés, dans l'équipe éducative, c'est que la part de ces élèves, potentiellement plus en difficulté, doit rester faible pour avoir du temps à leur consacrer. La principale, Carline Sorbello-Diouf, voit, elle, des progrès d'abord sur les comportements des ados : "On a permis très rapidement à des élèves d'être dans un contexte positif, d'être avec des camarades qui, eux aussi, réussissent et tout ce petit monde s'entraide. C'est le premier point. Pour savoir si c'est une réussite, on verra au fur et à mesure puisque je pense qu'il faut le regarder à la fois sur les années collège mais aussi après au niveau du lycée."

Du côté de l'Éducation nationale tout le monde se félicite de cette expérimentation.
Le rectorat relève notamment les résultats au brevet, encourageants, selon Mathieu Sieye, inspecteur d'académie de Haute-Garonne :"Sur les résultats du brevet vous avez un taux de réussite global qui est à 63% sur cette cohorte d'élèves, lorsque ce taux était à 53% sur le collège qui a été maintenant détruit." Des résultats en hausse mais qui restent encore loin de la moyenne, hors éducation prioritaire, de 85 à 90% de réussite sur le département.

Une expérimentation qui pourrait s'élargir

Si le bilan de cette expérimentation se révélait globalement positif, il serait possible de l'élargir. Au départ, c'est le conseil départemental de la Haute-Garonne, qui a initié cette expérience pour lutter contre la "ghéttoïsation" de certains établissements, selon les mots de son président socialiste, Georges Méric. Il évoque aujourd'hui, la possibilité de lancer quelques autres projets, sur le même modèle.

Mais il faudra se mettre d'accord avec l'Education nationale, qui finance les postes d'enseignants en plus. Le département paie le transport scolaire et le soutien aux associations qui accompagnent les jeunes à différents moments de la journée.

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