Immobilier : "C'est un énorme problème de financement qui pèse en ce moment sur le marché", selon Corinne Jolly, PDG de PAP
Quel est l'état réel du marché immobilier ? L'invité éco ce soir est Corinne Jolly, présidente de PAP vient partager son analyse de la refonte du Prêt à Taux Zéro (PTZ), qui vient d'être prolongé, ainsi que de sa vision du marché à venir.
franceinfo : La plate-forme immobilière PAP est spécialisée dans la vente, la location longue, mais aussi courte durée. Les vacances de la Toussaint commencent à la fin de la semaine. Y a-t-il un effet des événements récents sur les réservations?
Corinne Jolly : Les vacances de la Toussaint de cette année seront plutôt bonnes, donc a priori, pas vraiment d'effet des événements récents. Il y a surtout eu un effet météo. On a eu un beau mois de septembre, assez ensoleillé et ça a donné envie à pas mal de monde de prolonger l'été. Donc plutôt une hausse des réservations, environ + 10 %, notamment dans le Sud, qui avait un peu pâti cet été de la crainte de la canicule.
La première partie du budget du projet de loi de finances a été adoptée hier, avec un 49.3 du gouvernement. Elle contient un amendement qui concerne les locations touristiques, type Airbnb. L'abattement fiscal dont bénéficie une partie des meublés touristiques va être raboté. Est-ce que ça va détendre un peu le marché locatif ?
Je ne pense pas. Cela va vraiment jouer à la marge, ça ne changera pas grand-chose au fait que, de manière générale, la location touristique bénéficie d'un cadre réglementaire beaucoup plus souple que la location d'habitation. Pour les passoires thermiques par exemple, c'est très contraignant en location d'habitation, alors qu'en revanche, en location touristique, aucun problème.
"Pour les locations touristiques, vous pouvez louer un logement F ou G sans aucune contrainte. Pas d'encadrement des loyers non plus. Donc il y a plein de raisons qui poussent certains propriétaires à favoriser la location touristique."
Corinne Jollyà franceinfo
Autre mesure contenue dans ce budget, le PTZ. Le prêt à taux zéro va être musclé, élargi potentiellement à six millions de Français de plus. Est-ce que ça va représenter un ballon d'oxygène pour les primo-accédants notamment ?
C'est toujours une aide et on ne va pas cracher dessus dans le contexte actuel. Évidemment, ça ne va pas compenser toutes les difficultés actuelles des primo-accédants. Je rappelle qu'ils ont quand même deux gros problèmes. Le premier, ce sont les conditions d'accès au crédit. En ce moment, les banques exigent 20 % d'apport personnel. Si vous voulez emprunter 200 000 euros, il faut posséder 40 000 euros. Pour un primo-accédant, c'est quand même énorme.
Le PTZ peut justement régler ce problème-là.
Oui, mais l'idéal, ce serait quand même que les conditions s'assouplissent. Parce que l'apport personnel, c'est vraiment bloquant. Et puis il y a le contexte de hausse des taux. On a commencé à dépasser les 4 %. En janvier prochain, on sera certainement à 5 % de taux d'intérêt moyen. C'est un énorme problème de financement en ce moment qui pèse sur le marché et évidemment qui ne va pas être complètement contrebalancé par ça.
"Le financement est le problème numéro un parce que ce n'est pas un manque d'appétence pour l'immobilier. L'immobilier reste quand même assez sécurisant."
Corinne Jollyà franceinfo
Donc il y a une envie d'être propriétaires, y compris chez les jeunes, histoire de préparer l'avenir et notamment la retraite. Mais il y a un vrai problème financier. Les prix ont énormément monté au cours des 20 dernières années et ils ont notamment monté parce que les taux d'intérêt étaient bas. Maintenant, les taux d'intérêt ont remonté, mais les prix ont à peine baissé. Donc il y a un équilibrage du marché à faire. Nous, on ne croit pas trop à l'effondrement parce qu'il y a toujours un manque d'offre.
Le nombre de transactions a baissé de combien sur PAP ?
Là, on est grosso modo à 20 % de ventes en moins. Mais auparavant c'étaient des années qui étaient des records historiques. Donc c'est assez normal que ça baisse. Maintenant, le marché est quand même ralenti. Surtout, on ne voit pas le bout du tunnel. En 2024, ça va continuer encore un peu, parce que les taux vont rester élevés. Il faut le temps que le marché s'équilibre. Il n'est pas bloqué parce qu'il y a toujours des gens qui ont besoin d'acheter, avec toutes les contraintes liées à l'immobilier : divorces, naissances, mariages, décès. Tout ça fait quand même tourner le marché. Il ne faut pas non plus oublier qu'il y a toute une partie de la population qui n'est pas forcément concernée par les difficultés d'accès au crédit. Je vous donne un chiffre de la dernière étude qu'on a fait sur PAP : un tiers des acheteurs achètent comptant. Ce sont des gens qui achètent en ayant revendu leurs biens précédents. Quand vous avez 60 ans, vous n'achetez plus avec un crédit, vous revendez votre bien.
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Vous avez dit que vous commenciez à constater une baisse des prix. De quel ordre ?
On est aux alentours de moins 3 % à l'échelle nationale. Ce sont les métropoles les plus touchées, notamment Paris. Aux alentours de -5%. Donc oui, on la constate, la baisse de prix. Et il y a des zones épargnées.
Comme la Bretagne.
Oui, les zones qui partent de plus bas. En fait, c'est un peu un rééquilibrage. C'est pour ça que pour nous, ce n'est pas alarmant.
"Ce n'est pas un crash, c'est un rééquilibrage du marché."
Corinne Jollyà franceinfo
Les zones qui baissent le plus sont celles qui avaient le plus monté et les autres zones continuent de progresser. Quelque part, celles qui avaient un peu de retard aujourd'hui sont prisées parce qu'elles offrent des meilleurs prix.
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