Emploi des seniors : "On va vers un compromis historique", assure la députée Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet
La France se place sous la moyenne européenne dans l'emploi des seniors, et loin derrière la Suède et l'Allemagne, selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques la DARES. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, veut remettre les seniors au travail. Aujourd'hui, seuls 57% des 55-64 ans ont un emploi et pour améliorer ce taux, il veut réduire la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi les plus âgés, qui est plus longue que pour les autres chômeurs.
franceinfo : Astrid Panosyan-Bouvet, vous êtes députée Renaissance de Paris, spécialiste du travail, à l'origine d'un groupe de travail transpartisan sur le sujet à l'Assemblée. Êtes-vous d'accord avec Bruno Le Maire pour réduire la durée d'indemnisation des seniors demandeurs d'emploi ?
Astrid Panosyan-Bouvet : Il a raison de parler de ce sujet, qui est un immense gâchis humain, avant de parler du gâchis économique. Mais je pense qu'il a tort d'entrer par cette porte d'entrée, parce que le problème est beaucoup plus large que ça. Ça concerne aussi la question de la santé au travail, la question de la formation professionnelle tout au long de la vie, les discriminations. Le Défenseur des droits a dit que l'âge était la première discrimination sur le marché du travail. Donc il faut voir le sujet dans son ensemble autour d'un plan de bataille offensif et je pense qu'on y est prêt.
Mais la durée d'indemnisation des salariés perdant leur emploi est de 27 mois au-delà de 55 ans. Cela incite-t-il les entreprises à se séparer de ces salariés ?
Quand on regarde la France par rapport aux autres pays, cette indemnisation spécifique des chômeurs commence dès 55 ans alors que c'est plus tard pour les autres pays, et elle dure beaucoup plus longtemps. Vous avez parlé de 27 mois, mais elle peut aller jusqu'à 30 mois en fonction des circonstances économiques. Et on voit bien que les entreprises ont calé aussi certaines pratiques comme les ruptures conventionnelles en fonction de ces indemnisations chômage.
C'est-à-dire qu'aujourd'hui, si on baisse la durée d'indemnisation des seniors, les entreprises seront incitées à les conserver ?
Oui, ça joue. On l'a vu à la réforme de 2010 sur le passage de 60 à 62 ans où finalement le pic de ruptures conventionnelles des entreprises est passé de 57 à 59 ans. Ça joue, mais ce n'est certainement pas suffisant et ça fait peser une responsabilité morale sur les seniors. Comme si la situation du faible taux d'activité, en particulier passé 60 ans, était uniquement de leur fait. Ce n'est pas le cas. Et c'est précisément ça qu'il faut changer, avec un plan de bataille qui parle à la fois de santé au travail. Parce qu'on a 35% des ouvriers non qualifiés dans le BTP, dans la manutention, 25% de nos aides à domicile qui quittent le marché du travail pour des raisons de santé, avant l'âge de la retraite. Et ce n'est pas en raccourcissant l'indemnité chômage que ces personnes pourront travailler plus longtemps. Même chose pour la formation professionnelle.
Pour en revenir aux entreprises, faut-il passer par d'autres mesures d'affichage comme un index senior par exemple ?
Il faut du donnant-donnant. Je pense qu'il faut mettre toutes les solutions sur la table parce qu'encore une fois, c'est un enjeu majeur de société. Le donnant-donnant, c'est mettre la question du dégrèvement des cotisations patronales et le sujet du bonus-malus sur la table. C'est quelque chose qu'il faut regarder, un peu comme on a fait sur les contrats courts. Et la contrepartie, c'est effectivement quelque chose de plus coercitif. Sur les testings, je suis très fière qu'on ait voté une proposition de loi hier sur l'amélioration des testings pour lutter contre les discriminations, et notamment les discriminations liées à l'âge dont on n'a pas suffisamment parlé, qui sont pourtant les premières discriminations.
"Quand on a plus de 50 ans, on a trois fois moins de chances d'être convoqué à un entretien d'embauche que quand on a moins de 45 ans, toutes choses égales par ailleurs. Ça, c'est insupportable."
Astrid Panosyan-Bouvetà franceinfo
Vous parlez de dégrèvement de charges. Pensez-vous qu'il faudrait des incitations en termes de cotisations pour les entreprises, pour les inciter à conserver ou à embaucher un senior ?
C'est précisément ça qu'il faut regarder. Effectivement, on peut avoir ces sujets de salaires trop élevés en fin de carrière et donc il faut pouvoir regarder la question des charges, pour une incitation à l'embauche mais surtout au maintien à l'emploi pour ceux qui ont passé 58 ans. Et pour les salariés, c'est la même chose. On est très mauvais sur la question des retraites progressives.
Ces mesures, elles existent…
Elles existent, mais c'est hyper compliqué. Il faut remplir des formulaires à l'Agirc-Arrco, à la Caisse d'assurance vieillesse… Et elles ne s'appliquent que deux ans avant la retraite. Je pense qu'il faut simplifier et rendre le dispositif beaucoup plus incitatif.
"Il n'y a que 0,5% des personnes qui partent en retraite progressive en France, c'est 50% aux Pays-Bas. Donc on peut faire largement mieux."
Astrid Panosyan-Bouvetà franceinfo
Bruno Le Maire a aussi évoqué un temps partiel à 70 ou 80%, mais avec une cotisation à 100%. Est-ce une bonne idée ? Ce serait encore quelque chose qui serait pris en charge par les employeurs ?
Je pense qu'il faut tout mettre sur la table et regarder. Et c'est précisément aussi l'objet de la négociation qui a commencé depuis juillet dernier sur la question des seniors au travail. Ça fait partie des thématiques qui ont été sélectionnées. On a parlé des charges patronales. Il faut parler retraite progressive. Il faut aussi parler du cumul emploi et chômage. Mettons tout sur la table.
Et cette négociation entre partenaires sociaux, est-ce le bon cadre pour discuter ?
Ça me semble tout à fait indispensable. Il faut remettre le dialogue social au centre du jeu et je pense qu'on est dans un compromis historique. On a des vraies tensions de marché de recrutement, on a l'allongement de la durée de la vie au travail et c'est un potentiel de croissance économique énorme.
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