Crise du cacao : "La pénurie de chocolat fin est un vrai gros enjeu", selon la directrice générale de Valrhona
Valrhona a un temps appartenu à des actionnaires américains, mais depuis 40 ans, elle est la possession de la très discrète famille Bongrain, propriétaire dans les 200 premières fortunes de France. Martine Grazioso est directrice générale de Valrhona depuis septembre 2023 et, en cette fête de Pâques, qui est un moment fort du monde du chocolat, la société connaît une situation de prix record pour le cacao.
Franceinfo : On dit le cacao plus cher que la tonne de cuivre, à 9 300 euros la tonne, trois fois plus cher qu'il y a un an. Un carré de chocolat est-il devenu un produit de luxe ? Est-ce que ce n'est plus pour tout le monde ?
Martine Grazioso : Valrhona est une entreprise engagée. Concrètement, on a des liens privilégiés avec nos producteurs et nos artisans, et des liens de proximité. Ce qui nous permet de faire perdurer cette filière et d'être sûr que le chocolat reste bien en fait un plaisir pour tout le monde.
Mais à quel prix ?
Eh bien ! au juste prix. Tout l'enjeu est de faire en sorte que les producteurs, avec qui nous travaillons en moyenne neuf ans, ce sont des partenariats de très longue durée, puissent retrouver une façon digne de travailler avec cette fève, et que les artisans aussi puissent le vendre de façon raisonnable.
"La filière du chocolat est une chaîne et on est dans une situation hors normes."
Martine Graziosoà franceinfo
Donc il faut qu'on fasse tous un peu notre part du gâteau. Ça va des coopératives de producteurs avec lesquelles nous travaillons, aux artisans qui font un travail remarquable pour essayer de diminuer l'impact des prix pour le consommateur, et au consommateur qui doit acheter des bons chocolats.
Ces augmentations, vous n'y échappez pas. Mais pour Noël, qu'est-ce que vous prévoyez ? Est-ce que ça va continuer à augmenter, est-ce que le chocolat sera encore plus cher ?
Le chocolat va être encore plus cher, effectivement. Il y a quelques semaines, je suis allée en Côte d'Ivoire pour voir directement sur le terrain ce qui se passait. Quand vous discutez avec des producteurs de cacao, ils ont vécu d'abord une période d'inondations, de fortes pluies, ensuite de la sécheresse. Les fèves de cacao ont diminué et ne sont pas forcément d'aussi bonne qualité que ce qu'on voudrait. Donc il va falloir rendre compte de cette réalité et donc oui, on va devoir à un moment répercuter une partie.
Mais vous ne nous donnez pas de chiffre ?
Vous savez, tous les jours, notre objectif, c'est d'acheter le cacao dans les 15 pays dans lesquels on travaille. Donc, je vous donnerais un prix qui serait complètement caduc demain. Il était un peu en-dessous de 10 000 euros ce matin, alors qu'il y a quinze jours, on pensait qu'il n'allait jamais atteindre certain seuil au-delà de 7 000. Donc, si quelqu'un vous donne aujourd'hui une lecture claire du prix du cacao au mois de décembre, je suis preneuse !
Un autre souci pour le cacao et donc pour le chocolat, ce sont ces mauvaises récoltes en Côte d'Ivoire ou au Ghana, les grands fournisseurs de cacao. Est-ce qu'on pourrait ne plus manger de chocolat ? Est-ce qu'il pourrait y avoir des pénuries ?
Il y a un vrai enjeu, un vrai gros enjeu. Et la préoccupation que j'ai, tous les matins, avec nos quatre "sourceurs" qui travaillent au quotidien, qui vont sur le terrain, c'est d'être approvisionné en cacao, en beurre de cacao. Oui, la pénurie, notamment la pénurie de chocolat fin, c'est un vrai gros enjeu.
Avec beaucoup de concurrents ?
Oui, énormément de concurrents. Nous, on est tout petits, vous savez, par rapport aux gros concurrents. On est très renommés, notre chocolat d'exception se retrouve sur des grandes tables, mais en termes de poids, on représente moins de 1% du volume total.
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