Crédit immobilier : "On s'attend à une baisse des taux en juin, mais il ne faut pas s'attendre à une baisse des prix" selon le président du Crédit Mutuel

Le Crédit Mutuel Alliance Fédérale est la 5e banque de France. Son nouveau président, Daniel Baal, pense qu'il ne faut pas s'attendre à une baisse des prix de l'immobilier, mais les taux sont devenus suffisamment bas pour relancer le marché.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Daniel Baal, président du Crédit Mutuel Alliance Fédérale. (RADIOFRANCE)

Selon les derniers chiffres disponibles, le montant des nouveaux crédits à l'habitat est au plus bas en France, avec 6,7 milliards d'euros en mars, volume le plus bas depuis 10 ans. Les taux ont baissé, en dessous du taux un peu symbolique de 4%. On peut s'attendre à une baisse des taux le 6 juin, mais on ne reviendra pas "au taux de 1 ou 1,5% qu'on a connu il y a quelques années", selon Daniel Baal. N'imaginant pas non plus le prix de l'immobilier baisser, il conseille de sortir de l'attentisme. "Lorsqu'on a un projet, il vaut mieux en parler à sa banque, et la banque fera sans doute le nécessaire pour réaliser l'accompagnement attendu", assure-t-il.

Arrivé à la tête du Crédit Mutuel en avril 2024, Daniel Baal est un président au profil un peu atypique pour un patron de banque. Il n'a pas fait de grande école mais, avec un BTS en poche, il a gravi tous les échelons au sein de la banque. Il a même mis pendant plusieurs années sa carrière professionnelle entre parenthèses pour diriger la Fédération française de cyclisme, car le vélo est son autre passion.

franceinfo : Est-ce que vous avez l'impression de détonner dans l'univers de la banque, ou finalement vous êtes un patron comme un autre ?

Daniel Baal : J'ai effectivement commencé au bas de l'échelle et je suis très fier d'avoir réalisé ce parcours. Mais en même temps, le Crédit Mutuel est une banque un peu atypique. Ce n'est pas une banque standard. À partir de là, tous les parcours sont possibles. Et aujourd'hui encore, lorsque je vois de jeunes embauchés, je leur dis : 'vous pouvez continuer à progresser, vous devez même tout faire pour progresser'. Notre entreprise, qui est très attachée au terrain, à la proximité et à la formation, m'a permis de réaliser une carrière à l'intérieur. En plus, nous sommes quand même souvent en relation avec nos élus mutualistes qui sont présents dans les caisses de Crédit Mutuel. Et tout cela crée un climat favorable pour évoluer.

Vous avez un mandat de quatre ans, avec un plan stratégique qui prévoit de gagner 1 million de sociétaires et de clients supplémentaires, pour atteindre un total de 15 millions. C'est très ambitieux. Comment allez-vous vous y prendre ?

Ce chiffre de 15 millions, c'est ce que nous souhaitons faire sur l'ensemble de notre réseau, mais également de notre filiale, le CIC. Tout simplement, dans certaines régions, nous ne sommes pas encore fortement présents. Si dans l'est de la France, nous avons parfois des parts de marché de plus de 50% et nous en sommes très fiers, dans d'autres, et notamment dans le sud de la France, nous avons encore des marges de progression. Comment faire pour continuer à gagner des sociétaires et des clients ? Tout simplement par le relationnel, la qualité de la relation.

Faut-il augmenter le réseau aussi ?

Non, parce que nous sommes déjà très présents. Nous sommes numéro un de la relation client pour la 12e fois cette année. Ça montre l'importance que nous attachons à la relation, et plus nous attachons d'importance à la qualité de la relation, plus nous avons un bon score de promotion et par conséquent, nous pouvons conquérir de nouveaux sociétaires et de nouveaux clients.

Le métier historique du Crédit Mutuel est la banque de détail, donc la banque aux particuliers. Selon les derniers chiffres disponibles, le montant des nouveaux crédits à l'habitat est au plus bas en France, avec 6,7 milliards d'euros en mars, volume le plus bas depuis 10 ans. Est-ce que vous le constatez aussi au Crédit Mutuel ?

Je vais avoir une touche très positive. On sent, depuis mi-avril, un frémissement, davantage de demandes. C'est lié aussi au fait que les taux ont baissé, on est redescendu en dessous du taux un peu symbolique de 4%. Aujourd'hui, ce n'est pas l'offre de crédit qui fait défaut, c'est la demande, liée à un marché de l'immobilier qui est quand même relativement atone aujourd'hui.

Est-ce que vous avez l'impression que les particuliers attendent une nouvelle baisse des taux ? La BCE devrait baisser les taux une nouvelle fois au printemps.

On s'attend à une baisse des taux le 6 juin. Je pense que plutôt que les Français attendent une baisse des prix, et je crains que cette baisse des prix ne vienne pas vraiment.

"S'agissant de la baisse des taux, il ne faut pas se faire d'illusions, nous ne reviendrons pas au taux de 1 ou 1,5% qu'on a connu il y a quelques années."

Daniel Baal

à franceinfo

Redescendre en dessous de 4% est déjà compétitif. N'oublions pas qu'il y a une dizaine ou une quinzaine d'années, les taux étaient aux environs de 8-9%.

Les prix de l'immobilier ne vont pas baisser selon vous ?

Vous savez, on a un problème qui est simple, c'est qu'on s'attend à une baisse des prix dans l'ancien. Cela fait qu'il devrait y avoir une corrélation avec les prix du neuf. Or, les prix du neuf, comment peuvent-ils baisser alors que les prix des matériaux et celui de la main-d’œuvre ont augmenté ? C'est impossible. Donc si j'ai un conseil à donner, ne restons pas dans l'attentisme. Lorsqu'on a un projet, il vaut mieux en parler à sa banque, et la banque fera sans doute le nécessaire pour réaliser l'accompagnement attendu.

La banque est toujours un bon thermomètre de l'économie. On vient de parler des crédits aux particuliers. Qu'en est-il des crédits aux entreprises ?

On sent encore un certain attentisme des chefs d'entreprise. Pour plusieurs raisons, les taux, la conjoncture. Le président de la République a annoncé un deuxième semestre 2024 bien meilleur. Je crois qu'il a raison, parce qu'aujourd'hui, un certain nombre d'indicateurs permettent de l'envisager. Donc, là aussi, la relance peut intervenir d'ici la fin de l'année. Mais sur le taux, je dis la même chose, ne nous attendons pas à une baisse vertigineuse.

Et est-ce que vous voyez aussi des défaillances d'entreprises ? Est-ce que vous en voyez plus ?

Oui, nous voyons aujourd'hui davantage de défaillances d'entreprises qu'il y a un ou deux ans. Pendant la période d'après crise sanitaire, beaucoup d'entreprises ont vécu avec des soutiens assez artificiels. Aujourd'hui, on revient à une situation à peu près normale. Il y a un secteur qui souffre davantage que les autres, c'est le secteur de l'immobilier, en liaison avec le ralentissement de ce marché. Autrement, je ne peux pas dire que la situation soit aujourd'hui inquiétante. Dans toute ma carrière d'exploitant bancaire, on a toujours connu des entreprises qui, à un moment ou un autre, rencontrent une difficulté. Ça existe encore aujourd'hui, mais ce n'est pas un phénomène que nous considérons comme vraiment profond. Je pense qu'un petit peu de relance permettra à tout cela de repartir.

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