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Mohadese Mirzaee, première femme afghane pilote de ligne, contrainte à l’exil, se bat pour piloter de nouveau

À 22 ans, elle avait fait la Une des journaux lorsque la Kam Air l’avait recrutée avec un équipage entièrement féminin, faisant d’elle la première pilote de ligne Afghane. En août, elle a quitté son pays et rêve désormais de reprendre les commandes d’un avion.

Article rédigé par Marion Lagardère
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Mohadese Mirzaee, première femme Afghane pilote de ligne sur le compte twitter de pilot_moho. (CAPTURE D'ECRAN)

C’est l’histoire d’une battante passée du rêve au cauchemar, le temps d’une nuit, la nuit de la prise de Kaboul par les Talibans. En février dernier, Mohadese Mirzaee devenait à 22 ans la première femme Afghane pilote de ligne. Elle posait, fièrement, bras croisés et tête haute, devant son Boeing 737, celui de la compagnie Kam Air. La presse du monde entier avait rapporté son histoire. Et puis, en août, tout s’est effondré, et Mohadese a disparu jusqu’à ce que The Guardian, le quotidien britannique la retrouve et publie, mardi 16 novembre, une interview fleuve où elle raconte le chaos de son exfiltration.

Le 15 août, elle était à Kaboul, à l’aéroport, prête à faire décoller son avion pour Istanbul lorsque l’annonce de la prise de la ville est tombée et que des centaines de familles désespérées ont envahis le tarmac. Le vol est annulé, mais au bout de quelques heures, elle s’est vu proposer d’embarquer pour Kiev, en Ukraine. Immédiatement, sans délai de réflexion. Elle a décollé, et dit adieu à son pays. "Tout s’est passé extrêmement vite, dit-elle au Guardian, c’était une montagne russe émotionnelle, j’avais quitté ma famille le matin, dit au revoir en pensant revenir, et je n’aurais jamais imaginé me retrouver le soir en exil."

Arrivée à Kiev, elle fait le compte de ses visas en court de validité et part pour la Bulgarie, à Sofia, où elle essaye de se reconstruire. Et surtout de re-piloter. "Parce que les Talibans d’aujourd’hui sont les mêmes barbares que ceux d’il y a vingt ans, dit-elle, ils veulent faire taire les femmes, si moi je renonce à ma passion, ils auront gagné." Et c’est hors de question.

Depuis quelques semaines, elle postule auprès des compagnies locales pour poursuivre sa carrière, ne pas abandonner ce qu’elle a conquis, elle qui s’est payée ses cours de pilotage en enchainant les petits boulot de caissières, qui a tambouriné pendant des mois aux portes de compagnies qui lui disaient toutes "non, pas de femme", jusqu’à réussir, et révolutionner un secteur aérien très masculin. "Vous savez, cela fait des décennies que les femmes Afghanes se battent, nous avons saisi toutes les opportunités, conquis tout ce qui pouvait l'être, mais aujourd’hui, même si j’ai envie de rentrer, je ne peux pas, il n’y a plus de place pour les femmes comme moi en Afghanistan. J’ai tout perdu, mais je vais me battre, et je revolerai (…) Si je peux envoyer un avion dans le ciel, je peux tout faire."

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