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En Espagne, une lagune est désormais reconnue comme personnalité juridique, une première en Europe pour un espace naturel

Le parlement espagnol a accordé ce statut unique à l’un de ses espaces naturels les plus dégradés, la Mar Menor, précisément pour mieux la protéger. En vingt ans, cette lagune qui a été paradisiaque est devenu un cloaque à cause des rejets de l’agriculture intensive.

Article rédigé par Marion Lagardère
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un homme tient une banderole  :"Politiciens, vous avez laissé mourir la lagune de Mar Menor" à Puerto Bello de la Manga (Espagne), le 25 août 2021. (AFP)

La Mar Menor, la mer mineure, vient d’obtenir un statut unique en Europe. Cette immense lagune dans le sud du pays, en Andalousie, séparée de la Méditerranée par une fine bande de terre, est désormais reconnue comme entité propre, c’est à dire comme personnalité juridique, dotée de droits au même titre qu’un individu ou qu’une entreprise. C’est une première et c’est le parlement espagnol qui lui a octroyé ce titre, après une mobilisation populaire intense, longue de plusieurs années pour tenter de sauver cette étendue d’eau qui se meurt.

Quand on entend le mot "lagon", on pense tout de suite à une eau bleue turquoise dans laquelle barbotent poissons, étoiles de mer et hippocampes, une apparence paradisiaque qui faisait effectivement le prestige de la Mer Mineure mais qu’elle a perdu depuis des années, depuis que l’agriculture intensive a envahi la région. Les autorités sanitaires estiment que chaque jour, cinq tonnes de nitrates, d’intrants et d’engrais déversés dans les cultures, finissent leur course dans la lagune, entrainant la prolifération d’algues vertes, qui elles-mêmes étouffent toute la flore marine, et avec elle la faune qui s’y réfugient.

Pouvoir protéger juridiquement la lagune et obtenir réparation

En 2019, les vidéos de poissons morts à perte de vue ont ému toute l’Espagne, et en 2021, les mêmes images ont déclenché une mobilisation inédite qui aboutit aujourd’hui à ce changement de statut. Désormais, la Mer Mineure peut être défendue au même titre qu’une personne, alors qu’auparavant, elle n’existait pas juridiquement parlant, la pollution n’était un préjudice pour aucune personne ni entreprise, il n’y avait pas de condamnation possible, et encore moins de réparation possible.

Tout l’enjeu est là : protéger cette lagune, la restaurer, faire revenir sa faune et sa flore, pouvoir s’y baigner de nouveau, y pêcher de nouveau. L’expérience juridique a été tentée en Nouvelle-Zélande où un fleuve a obtenu des droits propres. En France, plusieurs associations en Corse demandent que le fleuve Tavignanu obtienne une personnalité juridique, pareil pour la Loire, avec derrière le même objectif que pour la Mer Mineure en Espagne : pouvoir protéger des écosystèmes précieux, et surtout changer de perspective, inscrire dans le droit le fait que nous humains nous vivons de rivières, de mer, de lagunes, et que les préserver, c’est nous défendre nous-mêmes.

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