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Au Koweït, Eman al-Husseinan défie les autorités qui refusent qu'elle fasse du yoga et reçoit une vague de soutien

Le stage qu’elle voulait organiser dans le désert uniquement pour des femmes a été interdit par les autorités, qui y voient une activité "indécente". En réaction, plusieurs femmes ont manifesté devant le parlement, réclamant respect de leurs droits et égalité.

Article rédigé par Marion Lagardère
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Eman al-Husseinan lors d'une conférence de presse le 6 février 2022 à Koweït. (- / AFP)

Activité désormais mondialement connue, la pratique du yoga est régulièrement vantée pour ses vertus anti-stress et le renforcement de la confiance en soi. Mais au Koweït, les autorités ont plutôt choisi de classer cette pratique dans la catégorie des activités "érotiques ou sexuelles", en interdisant la tenue d’un stage de yoga pour "indécence et immoralité", comme le rapporte Gulf News.

Pourtant au départ, l'évènement n’était pas destiné à devenir une affaire d’Etat et son organisatrice, Eman al-Husseinan, professeure de yoga, ne revendiquait rien du tout. Elle avait proposé à ses élèves, toutes des femmes, de faire une retraite dans le désert pour pratiquer le temps d’une journée étirements et exercices de respiration.

Tout était prévu, y compris l’impératif d’avoir des vêtements amples. Mais des conservateurs religieux ont eu vent du micro-évènement et s’en sont emparés pour lancer une polémique. Au parlement et sur les plateaux télés, ils accusent ces femmes d’être impudiques, dépravées, adeptes d’un "sport étranger" et "dangereux pour les mœurs".

Le stage de yoga annulé pour défaut de permis

Le ministère de l’Intérieur koweïtien a fini par contacter Eman al-Husseinan pour lui demander si elle avait un permis pour organiser son stage, tout en sachant que rien dans la loi n’évoque ni le yoga, ni ce genre de retraite. Et qu’évidemment non, rien ne lui avait été délivré. Résultat : pas de permis, pas de stage, affaire classée. Sauf que la professeure a décidé de ne pas se taire, et de se défendre. Dans une vidéo, elle donne sa version de l’histoire, plaide sa bonne foi, et dénonce le rouleau compresseur médiatique dont "les caricatures, dit-elle, ne reflètent ni ma morale ni celle des femmes koweïtiennes."

Vague de soutien et manifestation devant le parlement

Certes, le stage n’a pas pu avoir lieu, mais Eman al-Husseinan a reçu une immense vague de soutiens sur les réseaux sociaux, de la part d’anonymes, mais aussi de personnalités, d’avocates, d’écrivaines. L’une d’elle a même déposé plainte contre un parlementaire pour "violation de la constitution et de la loi sur les libertés."

Et lundi, plusieurs femmes ont manifesté devant le parlement avec des pancartes "pas de futur pour une nation sans égalité". Ce n’était pas son but, mais Eman al-Husseinan prouve qu’il n’est pas là question de yoga, mais bien de droits et d’égalité, et qu’en 2022, ce type d’interdiction passe de moins en moins, et ne passera bientôt plus.

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