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Pouvoir d'achat : Marine Le Pen en même temps opposante et alliée d'Emmanuel Macron

Marine Le Pen s’est livrée à un numéro d’équilibriste lundi à l’Assemblée nationale, lors des débats sur le pouvoir d’achat.

Article rédigé par franceinfo - Neila Latrous
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, dans l'hémicycle le 12 juillet 2022 (BERTRAND GUAY / AFP)

Drôle de numéro, lors de la discussion générale, et de la prise de parole à la tribune de Marine Le Pen. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il faut se rappeler qu’à la tribune de l'Assemblée, les discours comportent en général deux volets. La consigne de vote, c’est quand l’orateur annonce ce que fera son groupe : s’il votera le texte, ou s’il compte s’opposer, s’abstenir... Ça va vite. La partie la plus dense, c’est le moment où l’orateur explique pourquoi cette position est adoptée, ce que son groupe pense du fond du texte.

>> Pouvoir d'achat : que proposent les oppositions en alternative au projet du gouvernement ?

Lundi, Marine Le Pen a expliqué de longues minutes que le Rassemblement national jugeait cette loi "injuste, inefficace et obsolète." "Ce texte de loi, dit-elle, est complètement éloigné des préoccupations des Français et montre qu’Emmanuel Macron n’a pas changé et que son gouvernement n’a rien appris." Très virulente à la tribune, Marine Le Pen annonce quelques minutes plus tard… que son groupe votera l’essentiel des mesures proposées, "mais en disant toute la vérité aux Français", donnant à voir comme une forme de discordance, voire de hiatus dans son exposé.

"En même temps", version RN

Marine Le Pen est en même temps une opposante à Emmanuel Macron par le verbe et une alliée par le vote, puisqu’elle annonce qu’elle ne le mettra pas en difficulté. Même si elle compte, dit-elle, améliorer le texte en l’amendant, en faisant des propositions. Dans les débats de cette nuit, ses députés semblaient avoir davantage à cœur de marquer leur différence avec La France insoumise. Ce n’est pas malhabile d’un point de vue politicien, à court terme. En sautant dans le wagon macronien, ou en disant en tout cas "Je ne ferai pas dérailler le train", Marine Le Pen embarrasse le camp du chef de l’Etat qui se verra reprocher sur certaines dispositions de ne devoir sa majorité qu’aux voix du RN. Mais c’est de la petite politique. Philosophiquement, la démarche n’a aucun sens. Quel sens cela a-t-il de dire : je voterai en faveur de mesures obsolètes ? Je voterai en faveur de mesures inefficaces ? Je voterai en faveur d’un texte que je juge injuste ?

En fait, le RN est encore en train d’affiner le rôle qu’il se voit jouer au Parlement. Son choix n’est pas totalement arrêté. Est-ce qu’il vaut mieux tout miser sur la responsabilité, ce qui se résume à la fin à voter les textes ou s’abstenir, et se débarrasser de toute radicalité ? Ou faut-il garder de la radicalité parce que cela reste l’un des moteurs du vote lors des élections en faveur du RN et de ses candidats ?

Marine Le Pen opte pour une position médiane : radicalité du discours pour ne pas perdre sa base, responsabilité du vote pour espérer récupérer l’électorat conservateur de droite en cas de dissolution… Elle tente de jouer sur les deux tableaux en faisant selon moi une erreur d’analyse sur ce qu’est un parti de gouvernement et ce qu’est la responsabilité en politique. Ce n’est pas dire : je suis contre, mais je voterai quand même pour par calcul politique … C’est tout le moins incompréhensible, voire cynique.  

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