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Édito
Législatives 2024 : Marine Le Pen donne le ton d'une éventuelle cohabitation tendue
Marine Le Pen a remis en cause, jeudi 27 juin, les pouvoirs du chef de l’État en matière militaire. Le Rassemblement national n’a pas encore remporté les législatives, Jordan Bardella n’est pas encore installé à Matignon, et Marine Le Pen sonne déjà la charge contre Emmanuel Macron. Selon elle, "chef des armées", le titre que l’article 15 de la Constitution attribue au président de la République, ce ne serait qu’un "titre honorifique". La formule a fait bondir les ténors de la majorité. François Bayrou a dénoncé une "déclaration grave" qui "remet en cause la Constitution." Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a exhumé un discours du fondateur de la Ve République, le général de Gaulle affirmant que le président, "garant de l’indépendance du pays", a "une action directe en matière de sécurité nationale". Et le Premier ministre Gabriel Attal a accusé Marine Le Pen de remettre en cause "la chaîne de commandement" au risque de mettre en péril la sécurité de la nation.
Marine Le Pen a rétropédalé quelques heures plus tard en assurant qu’elle ne voulait pas "remettre en cause le domaine réservé du président", mais seulement rappeler que le Premier ministre peut s’opposer à ses décisions "par le contrôle budgétaire". Ce qui est vrai. Le Premier ministre est aussi « "responsable de la Défense nationale" et c’est lui qui "nomme aux emplois civils et militaires", c’est l’article 21 de la Constitution. Sauf que c’est bien le chef de l’État qui préside aux conseils de défense, et décide de l’envoi de troupes à l’étranger ou de l’emploi de l’arme nucléaire. Il y a, certes, une responsabilité partagée, les deux têtes de l’exécutif peuvent se neutraliser, mais le rôle du président de la République en matière de défense reste "prédominant", selon le Conseil constitutionnel, ce n’est donc pas qu’un "titre honorifique".
Satisfaire la base électorale du RN
Marine Le Pen a décidé d’engager le fer sur ce terrain pour donner le ton d’une éventuelle cohabitation. Le RN veut dépouiller et même humilier Emmanuel Macron, un traitement supposé réjouir sa base électorale. Le parti lepéniste prend le risque de mettre en scène une sorte de coup de force et d’abîmer la fonction présidentielle, ce qui pourrait se retourner contre lui. Au vu du fossé qui sépare les deux parties en matière de politique étrangère, on mesure à quel point une cohabitation avec le parti d’extrême droite est aussi un saut dans l’inconnu sur ces sujets essentiels, et même existentiels. Le RN s’est opposé à la plupart des livraisons d’armes à l’Ukraine et le Kremlin a fait savoir qu’il suivait "avec attention" les législatives en France. Nul doute que le président Zelensky, qui espère des avions de combat promis par la France, redoute le résultat qui pourrait sortir des urnes le 7 juillet.
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