Pierre Lemaitre : artiste du crime
Il y'a une dimension inhabituelle dans ce roman, plus proche de la littérature américaine que française, on pense à Russel Banks dans "De beaux lendemains", ce sens de la communauté humaine. Ici, c'est une petite ville de l'est de la France, figée dans le temps, ça sent la province laborieuse sur le déclin. A quelques jours de la tempête de décembre 1999, Antoine, douze ans, tue par accident, Rémi, six ans et décide de ne pas avouer sa faute, il cache le corps. Et tout de suite, le lecteur comprend que cet acte va le poursuivre toute sa vie et mieux que ça, que l'heure du jugement viendra. Pierre Lemaitre, redoutable auteur de polar à la base, tue un jeune innocent et l'enfance du coupable.
Son génie est à la fois d'amener une issue prévisible de façon imprévisible et de peaufiner son casting: Ici, comme dans "Au revoir là-haut" les personnages secondaires ne le sont pas, secondaires, c'est pour ça qu'on pense à la communauté au sens américain du terme, elle est à la fois humaine et sauvage, plus complexe qu'en apparence, c'est un corps social que les catastrophes, la disparition d'un enfant et la tempête, révèlent. Dans un univers à la Chabrol, le meilleur des hommes se cache sous l’apparence la moins flatteuse, l’innocence d’une bimbo dissimule une ambition perverse et le jugement final de ce crime inavoué prend la forme la moins attendue. Parce qu’il est expert en mécanismes dramaturgiques et qu’il les nourrit sans jamais tomber dans la facilité, Pierre Lemaitre signe une nouvelle fois, un roman qui se lit d’une traite.
"Trois jours et une vie" de Pierre Lemaitre chez Albin Michel
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