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Ils ont fait l'actu. Maître Henri Leclerc, dernière plaidoirie

Sébastien Baer revient sur les événements marquants de l'année. Et ce sont ceux qui les ont vécus qui les racontent.

Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Henri Leclerc, avocat en retraite. (SEBASTIEN BAER / RADIO FRANCE)

16 décembre 2020. À 86 ans, et après 65 années de plaidoiries, Henri Leclerc prend sa retraite. Pendant sa longue carrière, l'avocat aura écumé tous les tribunaux, toutes les cours d'assises. "C'est un moment émouvant et c'est difficile de s'arrêter mais il y a un moment où il faut le faire. Dans notre métier, nous n'engageons pas que nous-mêmes. C'est dans l'intérêt des gens que je défends de ne pas prendre le risque de continuer trop longtemps. Il ne faut pas faire la plaidoirie de trop", confie Henri Leclerc, qui a quasiment plaidé sans notes pendant toute sa carrière et est intervenu dans plusieurs affaires retentissantes. L'avocat a défendu notamment François Besse, Florence Rey, Richard Romand, Véronique Courjault ou Dominique de Villepin...

Et même s'il se fait une raison, c'est à regrets qu'il quitte le métier et les prétoires. "Il faut que je me fasse à cette période un peu différente, un peu difficile. C'est vrai qu'après 65 ans d'exercice de ma profession, le matin quand je me réveille je me dis : 'c'est terrible, c'est autre chose'. Mais j'ai arrêté à 86 ans, je ne vais pas me plaindre", glisse l'ancien avocat. Henri Leclerc a le sentiment d'avoir toujours plaidé en étant convaincu qu'il défendait une cause juste : "J'ai toujours pensé que pour convaincre les gens, il fallait que je sois convaincu moi-même", affirme-t-il.

J'ai toujours cherché à être honnête dans ma défense, c'est-à-dire dire des choses auxquelles on croit. Et ça, c'est très important parce que ça se ressent.

Me Henri Leclerc

à franceinfo

Défendre les innoncents comme les coupables

Henri Leclerc ne regrette d'avoir défendu aucun de ses clients mais plutôt de ne pas avoir défendu certains accusés. "Le bon client ce n'est pas celui qui est coupable ou innocent, ce n'est pas la question. Le bon client, on a envie d'être en face de gens qui vont le juger et de le défendre quand même, quoi qu'il ait fait", explique-t-il. "Ce qui me touche c'est quelqu'un qui est accusé par tout le monde, qui est seul devant la justice : c'est d'une violence inouïe. J'ai défendu quand même un certain nombre d'innocents dont il a été scientifiquement établi par la suite qu'ils l'étaient", poursuit l'avocat à la retraite. "Quand vous défendez un innocent dont vous êtes convaincu qu'il est innocent et que vous avez le rouleau compresseur de la justice, mais aussi de l'opinion publique, comment ne pas avoir envie de le défendre ? C'est une motivation énorme." Les coupables aussi ont besoin d'être défendus, selon Henri Leclerc : "Celui qui a avoué des choses terribles, on ne peut pas le laisser seul face au rouleau compresseur de la justice. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui le restitue comme homme".

Pourtant, il n'a pas gardé de contact avec beaucoup de ses anciens clients : "Vous savez celui qui est passé devant la Justice met ça un peu de côté. Il y a des fois où j'aurais aimé davantage rester en contact avec eux mais on ne se sent pas le droit d'importuner quelqu'un", regrette-t-il. En 65 ans de carrière, Henri Leclerc affirme avoir été témoin d'erreurs judicaires : "Je pense en particulier au dernier que j'ai défendu devant les assises de Nanterre. Il a été condamné à 20 ans pour avoir essayé de brûler vive sa petite amie. Au fond de moi-même je suis convaincu qu'il était innocent. Il est en prison maintenant, c'est très très dur".

Une voix et une éloquence remarquables

"Une des racines de l'éloquence c'est la voix. L'âme passe à travers la voix, c'est en l'entendant qu'on croit à la sincérité de celui qui parle. J'ai toujours cru à l'importance de la voix mais je ne m'en suis jamais préoccupé, je n'y ai jamais travaillé. J'ai laissé les choses se faire", confesse Henri Leclerc.

S'il n'avait pas été avocat, Henri Leclerc aurait pu devenir comédien, "parce qu'il y a la voix", ou professeur car il aime enseigner. Mais il ne serait pas devenu fonctionnaire, comme le souhaitait ses parents, ni magistrat car il aime mieux défendre que juger. "Finalement j'ai été avocat un peu par hasard, parce que je ne savais pas trop quoi faire et je me suis aperçu que j'étais fait pour ça", conclut-il.
Henri Leclerc a aussi été président de la Ligue des Droits de l'Homme. Longtemps, l'avocat a milité pour l'abolition de la peine de mort. À six reprises, Henri Leclerc a permis aux accusés qu'il défendait d'échapper à la guillotine.

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