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Quand Pierre Brossolette n'entra pas au Panthéon (1964)

En décembre 1964, c'est Jean Moulin qui a les honneurs du Panthéon. Longtemps pressenti, Pierre Brossolette n'y entrera que 50 ans plus tard, certainement victime des relations tendues qu'il avait entretenues avec de Gaulle à Londres.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (Pierre Brossolette)

Retour le 22 mars 1964, un hommage solennel est rendu à l’ancien résistant Pierre Brossolette mort 20 ans plus tôt :

"Après la sonnerie au garde-à-vous, le ministre, Monsieur Jean Sainteny, s'avance vers la façade du 123 rue du Grenelle, et découvre une plaque de marbre sur laquelle on peut lire: '-Pierre Brossolette habita dans cette maison de 1932 à 1944'-"

Ce n’est pas, loin de là, le premier hommage rendu à l’un des grands héros de la Seconde Guerre mondiale, un intellectuel engagé à gauche, journaliste et qui entre en résistance. Héros il l’est jusqu’à sa mort. Arrêté par la gestapo et torturé, il préfère se donner la mort plutôt que de parler…

Alors, quand le général de Gaulle émet l’idée de faire entrer un résistant au Panthéon, Brossolette s’impose. Il réunit les trois conditions imposées alors : être un pionnier de la Résistance, y avoir exercé des responsabilités, mais aussi,  être mort de façon héroïque.

Mais, dès 1963, les anciens résistants de l’Hérault pousse pour imposer Jean Moulin qui lui aussi réunit les trois conditions.

Et en décembre 1964, c’est l’ancien préfet d’Eure-et-Loir dont les cendres sont transférées au Panthéon. L'ORTF couvre naturellement l'événement

"Une foule considérable au sein de laquelle, bien sûr, de nombreux résistants de l'intérieur et de la France libre se sont mêlés, donne un émouvant éclat au transfert des cendres de celui qui fut l'unificateur de la résistance française, symbole de la lutte secrète contre l'occupant"

Jean Moulin, symbole de la résistance, voilà qui n’était pas alors si évident. A l’époque, c’est davantage Brossolette qui l’était. Mais de Gaulle ne voulait pas de lui au Panthéon. Il faut dire que Brossolette l’avait vertement critiqué en 1942, notamment dans une lettre adressée en novembre :

"Il y a des sujets sur lesquels vous ne tolérez aucune contradiction, aucun débat même... "

Alors ce sera Moulin et les mots inoubliables d’André Malraux

"Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi — et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé. "

L’entrée de Jean Moulin au Panthéon a étouffé la mémoire de Pierre Brossolette. 50 ans plus tard, en entrant au Panthéon au côté de Jean Moulin, c’est une injustice qui est réparée.

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