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Les paradoxes du front républicain

"La bande des quatre", "les copains", "l'UMPS"... Pour qualifier les rapports entre la gauche et la droite, le Front National n'a pas de mots assez durs. Pourtant, en 1983, Jean Marie Le Pen était très favorable à une alliance avec le RPR. La constitution du "front républicain" a coûté beaucoup d'élections au FN mais lui a également offert une opportunité. Retour sur un paradoxe.
Article rédigé par Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (Manifestation anti Front National à Lyon, le 24 avril 2002 © Maxppp)

Le 15 février 1983, nous sommes à trois semaines des élections municipales et la gauche au pouvoir tremble. Après la défaite des cantonales de 1982, ses difficultés au pouvoir lui font craindre le pire, la perte des villes gagnées en 1977. 

Mais à trois semaines du premier tour, l'enjeu est ailleurs. C'est celui de la constitution des listes en vue du premier tour. Jean-Marie Le Pen, le président du Front national, est très favorable à des listes communes entre son parti et la droite gouvernementale.

"Nous avons souhaité faire liste commune avec l'opposition ; une opposition la plus large possible, pour une politique anti-marxiste et anti-bureaucratique"

Si dans les grandes villes, celles-ci même où la domination des états-majors est "la plus marquée" les différents partis font liste séparée, ce n'est pas le cas dans des petites villes. À Dreux, par exemple, la liste : "Dreux d'abord -Union de l'opposition pour le changement" est commune au RPR et au FN.

En mars 1983, l'élection est si serrée qu'elle est invalidée et l'élection se tient de nouveau en septembre 1983. Cette fois-ci, plus question pour le RPR et le FN de faire liste commune. Toutefois, au soir du premier tour, et après l'élimination du parti d'extrême-droite, les deux listes fusionnent. La gauche est sous le choc, une partie de la droite, à commencer par l'ancien Premier Ministre Jacques Chaban-Delmas et Simone Veil, l'est tout autant. Cette dernière déclare sur le plateau de l'Heure de Vérité d'Antenne 2 :

"Si j'étais inscrite à Dreux, je m'abstiendrai au second tour de l’élection "

Le discours est bien différent du côté d'Alain Juppé ou de Jacques Chirac, le président du parti, ce dernier allant jusqu'à dire, selon des propos rapportés par Franz-Olivier Giesbert :

"Je n’aurais pas du tout été gêné de voter au second tour pour la liste. Cela n’a aucune espèce d’importance d’avoir quatre pèlerins du FN à Dreux, comparé aux quatre communistes au Conseil des ministres."

Ainsi, pour la droite gouvernementale de l'époque, il est plus grave de gouverner avec les communistes que de gagner avec l'extrême droite à Dreux. Mais bientôt, la montée en puissance du Front national et les dérapages de son président poussent le RPR et notamment Jacques Chirac à rejetter les accords avec le FN.

Ce qui offre à Jean-Marie Le Pen un discours qu'il tient, entre autres, place de l'Opéra le 1er mai 1996 :

"Les responsables sont les politiciens de la bande des quatre ! "

Pour le parti frontiste, la preuve est faite que la gauche et la droite sont identiques, ce qui lui permet de se présenter comme le seul parti d'opposition "au système", un autre des mots fétiches de Jean-Marie Le Pen.

C'est précisément ce que fait le président du FN le 5 mai 2002 dans son discours après l'annonce des résultats d'un second tour qui a vu la constitution d'un "front républicain" pour lui faire barrage.

"Je remercie les millions d'électeurs qui ont porté leurs suffrages sur ma candidature, la seule d'opposition au système ! Ces alliances de circonstance ne pourront éternellement tromper les Français"

Là est tout le paradoxe du front républicain, s'il a toujours été très efficace pour vaincre le FN dans les urnes, il lui offre une légitimité dont les effets se font de plus en plus sentir.

 

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