Kourou, avril 1968 : et Véronique décolla...

Le 10 janvier 1949, l'émission de radio Ainsi va le monde  présentée par l'un des grands noms de la radio d'après-guerre, Pierre Fromentin, propose d'emmener l'auditeur à 7.000 km de Paris.

Ce jour-là, c'est en effet en Guyane, département français depuis 1946, que l'auditeur est transporté. Bien que les bagnes de Cayenne, de l'île au Diable et de St Laurent du Maroni aient fermé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le département reste tout entier marqué par ce passé pas si lointain.

Le douloureux souvenir des bagnes guyanais

Néanmoins, en 1949, une coopérative agricole s'installe à Kourou, ce dont se réjouit le journaliste :

"Il ne faut pas oublier que Kourou a laissé dans l'histoire de la Guyane et de la France un très mauvais souvenir que les Français s'efforcent de réparer."

Pourtant, contrairement aux espoirs de 1949, ce n'est pas la coopérative agricole qui fait oublier le douloureux souvenir des bagnes guyanais, mais tout autre chose. En 1964, Kourou est choisi par le CNES, le Centre National d'Études spatiales, et par le Général de Gaulle pour accueillir la base de lancement des fusées françaises.

Au moment du vote des crédits par l'Assemblée nationale, Gaston Palewski, le ministre de la Recherche scientifique est enthousiaste :

"Le champ de tir est un champ de tir spatial et la situation de la Guyane est extrêmement favorable. Elle permet d'atteindre toutes les orbites, ce que ne permet aucun champ de tir au monde actuellement. "

La Guyane, un impératif politique

Outre sa situation géographique idéale qui permet d'atteindre toutes les orbites en tirant vers l'Est, c'est à dire vers l'océan, ce qui est une garantie de sécurité pour les populations, la Guyane répond à un impératif politique. Avant de s'installer à Kourou, le CNES possédait ainsi un pas de tir au Sahara, mais conformément aux accords d'Évian de 1962, les Français doivent l'évacuer en 1967. Il faut trouver un autre pas de tir rapidement, et la Guyane ouvre grand les bras.  Quatre ans plus tard, les travaux sont achevés et le 9 avril 1968, Véronique peut s'envoler en l'air.

Véronique, c'est la première fusée à être lancée depuis Kourou, et le Général d'Aubinière, le directeur du CNES est très soulagé.

"On est très content d'avoir gagné, c'était quand même la première fois pour nous qu'on tirait de Guyane et l'aboutissement de quatre ans d'efforts !"

Quarante-sept ans plus tard, Kourou n'est plus uniquement le centre spatial français. C'est également le centre de lancement de l'Agence spatiale européenne et ainsi, le centre spatial guyanais s'est imposé comme l'une des principales bases de lancement, au coude à coude avec Cap Canaveral aux États-Unis.

Au début du mois,  Kourou a vu s'envoler un petit avion spatial, embarqué dans une fusée Vega, qui doit ouvrir la voie à la mise en service d'une navette spatiale européenne capable de ramener sur terres des échantillons et des astronautes ! Alors que sur Terre, l'Europe piétine, dans l'espace, elle brille. Et c'est déjà ça!