Histoires d'info. Qui était Maurice Audin et que lui est-il arrivé ?
Jeudi 13 septembre, Emmanuel Macron a reconnu une forme de responsabilité de l’Etat dans la mort de Maurice Audin. Aujourd'hui encore, sa disparition soulève bien des questions, notamment celle de la reconnaissance de la responsabilité française concernant des actes de torture.
Maurice Audin était un jeune mathématicien, sur le point de soutenir sa thèse, lorsqu’il est arrêté par les parachutistes du général Massu au début du mois de juin 1957. Membre du Parti communiste algérien, parti dissous en 1955 mais qui survivait dans la clandestinité et de plus en plus dans l’orbite du FLN, Audin est accusé de porter secours aux "terroristes" algériens, combattus sans relâche par l’armée française. Il est arrêté peu de temps après l’attentat du Casino de juin 1957 qui coûta la vie à huit personnes et qui en blessa 92 autres.
"On l'a tué au couteau"
Maurice Audin ne reverra jamais sa famille. La version officielle a longtemps été celle de la fuite mais les proches d’Audin n’y crurent jamais. En 1958, l’historien Pierre Vidal-Naquet publie L’Affaire Audin aux Éditions de Minuit ; une enquête qui concluait à l’assassinat du jeune mathématicien par l’armée française. Il faut dire que durant le premier semestre 1957, l’armée française, en l’occurrence la 10e division de parachutistes, eut les mains libres, après que le pouvoir politique incarné par Robert Lacoste laissa tout pouvoir aux militaires dirigés par le général Massu. La torture, déjà éprouvée auparavant, devient la règle à l’encontre des militants du FLN mais aussi des Français coupables d’être leurs complices.
La version officielle de la disparition d’Audin – la fuite – ne tenait pas la route. Aucun historien sérieux n’y crut. Il fallut pourtant attendre janvier 2014 pour qu’un homme vienne révéler ce qui était réellement advenu à Maurice Audin. Cet homme, c’est le général Aussaresses, le bras droit de Massu pendant la bataille d’Alger du premier semestre 1957.
"On a tué Audin..."
Sur son lit de mort, à la fin de l’année 2013, il se confia au journaliste Jean-Charles Deniau qui l’enregistra. Le livre et l’enregistrement furent rendus publics en janvier 2014, quelques semaines après la mort d’Aussaresses. "Et bien... On a tué Audin. On l'a tué au couteau pour faire croire que c'était les Arabes qui l'avaient tué", révèle le général Aussaresses.
Quelques mois plus tard, le président de la République François Hollande déclare publiquement que Maurice Audin a été assassiné. "Il est mort durant sa détention", dit le président, le 18 juin 2014, à l’occasion de la remise du Prix Maurice Audin de mathématiques. Un discours dans la droite ligne de l'exigence de vérité historique de François Hollande sur la guerre d’Algérie énoncée en Algérie en décembre 2012. À ce moment-là, il annonçait d’ailleurs son souhait d’ouvrir les archives de l’armée. S’ils s’inscrivent dans la continuité de ceux de François Hollande, ils marquent cependant une évolution majeure.
Faire la lumière sur une pratique de la torture légalisée
Emmanuel Macron note la responsabilité des militaires français dans la mort de Maurice Audin dans ce qu’il appelle "un système légalement institué." C’est la reconnaissance de la torture, non pas comme fait isolé, mais comme une pratique légalisée. C’est là une rupture très importante dans le discours public de la France sur la torture en Algérie. Après avoir voté une série de lois d’amnistie dans les années 1960, la France se décide, enfin, à regarder les yeux grands ouverts son histoire et notamment les quelques mois de la bataille d’Alger.
Et en annonçant l’ouverture de toutes les archives, dont celles d’outre-mer, Emmanuel Macron ne s’arrête donc pas au cas d’Audin et veut faire la lumière sur tous les disparus, qui se comptent en centaines. Aussi, en appelant les particuliers à livrer leurs archives, on peut penser à celles conservées par la deuxième épouse du général Massu. Cela ouvre un débat public que les historiens ne peuvent qu’applaudir.
La reconnaissance de la responsabilité française dans la torture, rappelle celle de la France dans la rafle du Vel' d’Hiv', formulée avec courage par Jacques Chirac en 1995, puis précisée par Lionel Jospin et François Hollande. Certains, notamment à la droite de la droite, y verront une repentance insupportable. D’autres, en regrettant qu’il fallut attendre si longtemps, s’en féliciteront, et en premier lieu, l’infatigable épouse de Maurice Audin, qui voit plus de 60 ans de combat aboutir.
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