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Histoires d'info. J. Edgar Hoover, le directeur du FBI que personne n'osa virer

Aux États-unis, le directeur du FBI a été débarqué à la surprise générale, mardi 9 mai. Un autre directeur du FBI, J. Edgar Hoover, est resté à ce poste de 1924 à sa mort en 1972 : aucun président n'a jamais osé le virer.
Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, vers 1936, aux Etats-Unis.  (NEW YORK DAILY ARCHIVE / GETTY)

Une fois encore, Donald Trump a surpris tout le monde. Le président américain a limogé le directeur du FBI, James Convey, mardi 9 mai, créant une onde de choc à Washington. Il y en a un à qui cela n'est jamais arrivé même si beaucoup de présidents en ont rêvé, c'est J. Edgar Hoover.

Le 2 mai 1972, le président Richard Nixon annonce la mort de J. Edgar Hoover : "Mesdames, messieurs, c'est avec une émotion personnelle que j'ai appris la mort de J. Edgar Hoover. Cet homme véritablement remarquable a servi ce pays pendant 48 ans, sous huit présidents, en tant que directeur du FBI, avec une dévotion et une compétence sans pareil." Une longévité qui ferait rêver James Comey, resté en poste un peu moins de quatre ans et débarqué mardi, sans ménagement, par Donald Trump. Pour être précis, Hoover n'a passé "que" 37 ans à la tête du FBI qu'il a contribué à fonder, mais on y ajoute généralement les années passées à la tête son ancêtre, le Bureau of Investigation, de 1924 à 1935. On peut trouver deux raisons principales à une telle longévité.

Les dossiers compromettants de Hoover

La première raison, c'est qu'il a su, pu et voulu constituer des dossiers compromettants sur les présidents qu'il était censé servir. Grâce à des moyens de surveillance extraordinaires, il s'est constitué une assurance-vie professionnelle indestructible. Aucun président n'aurait pris le risque de le limoger, sous peine de voir des secrets inavouables rendus publics.

Et ces secrets tournent souvent autour des mœurs : la maîtresse d'Eisenhower en Europe pendant la guerre ; des homosexuels présents au sein du cabinet de ce même Eisenhower, à une époque où de simples rumeurs à ce sujet suffisaient à détruire une carrière ; les multiples relations extraconjugales de Kennedy y compris avec une femme qui avait été dans l'entourage des Nazis, Inga Arvad ; les liens avec la mafia de ce même Kennedy ; des informations sur l'homosexualité du conseil de Lyndon Johnson, Jack Valenti. Notons qu'Hoover n'avait pas que des dossiers sur les présidents mais sur quantité d'autres personnes, comme Martin Luther King, le leader pacifique de la lutte pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs aux États-Unis, ou Adlai Stevenson, deux fois candidat à l'élection présidentielle américaine.

À propos de ces méthodes, le président Truman écrira : "Nous ne voulons pas de Gestapo ou de police secrète. Le FBI pousse dans cette direction. Ils trempent dans les scandales sexuels et dans le chantage. Edgar Hoover donnerait son œil droit pour dominer et tous les membres du Congrès et les sénateurs le craignent." En 1971, Nixon hésite à le renvoyer mais craint "qu'il ne détruise le temple, moi compris", en révélant des informations à son sujet qu'Hoover avait en sa possession. En bon Texan, Lyndon Johnson avait lui dit : "Je préfère l'avoir dans la tente en train de pisser à l'extérieur, qu'à l'extérieur en train de pisser à l'intérieur."

Hors de question d'affaiblir l'Amérique

La deuxième raison peut se résumer sous forme de syllogisme : l'Amérique fait face à des dangers intérieurs immenses, le FBI est le seul à les prévenir, virer l'homme fort du FBI serait affaiblir l'Amérique. Hoover n'a pas ménagé sa peine pour mettre en lumière ces dangers. D'abord dans les années 1930 avec le crime organisé. On pense à la traque de grands criminels comme John Dillinger. Puis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec le danger communiste. 

"Le Parti communiste des États-Unis est une cinquième colonne, déclare-t-il en 1947. Il est bien mieux organisé que les Nazis ne l'étaient dans les pays qu'ils occupaient. Ils cherchent à affaiblir l'Amérique. En réalité, le communisme n'est pas un parti politique, c'est une façon d'être maléfique et malveillante. Il est comme une maladie qui se diffuse comme une épidémie et comme face à une épidémie, une mise en quarantaine est nécessaire pour l'empêcher d'infecter cette nation." Qu'il fut anticommuniste viscéral, nul n'en doutait. Mais il a su utiliser cette menace pour renforcer son pouvoir.

L'arroseur fut cependant arrosé. On raconte que la mafia avait en sa possession des preuves de ses tendances homosexuelles, notamment d'une relation qu'il aurait entretenue avec son bras droit, Clyde Tolson. De quoi le maintenir à distance.

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