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Histoires d'Info. Chirac à Villepin en 2002 : "C’est gagné mon petit Dominique. Inutile de préparer une campagne de second tour"

Le deuxième tour de cette élection présidentielle ressemble au deuxième tour de l'élection de 2002. Elle opposait Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen. Thomas Snégaroff compare ces deux élections.

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Allocution de Jacques Chirac,président de la République, après sa réélection, le 5 mai 2002, à Paris. (PATRICK KOVARIK / AFP)

L'élection présidentielle de 2002 reste indissociable de l'affiche Chirac - Le Pen. Un deuxième tour surprise qui obligea Jacques Chirac à mener une campagne d'entre-deux-tours très particulière. Quelles similitudes et quelles différences avec celle que devra mener Emmanuel Macron pour espérer l'emporter le 7 mai prochain ?

La tentation est grande et permanente de comparer les élections présidentielles de 2002 et de 2017. Parce que, bien sûr, le Front national est au second tour, mais aussi parce que le candidat arrivé en tête est l’ultra favori, une avance inédite dans les sondages en 2002 et, à un degré moindre, en 2017. Comment Jacques Chirac avait-il fait campagne il y a 15 ans ? Quelles comparaisons sont possibles avec les premiers jours de la campagne du second tour d’Emmanuel Macron ?

Jacques Chirac, à l’inverse d’Emmanuel Macron, est déjà dans le coup d’après dès les premières indications, le 21 avril 2002. Passée la sidération, Chirac n’y a longtemps pas cru et seule sa femme, Bernadette, l’avait pronostiqué, les grandes manœuvres commencent. Il sait qu’il a gagné. À 19 heures, le 21 avril, il aurait dit à Dominique de Villepin :  "C’est gagné mon petit Dominique. Inutile de préparer une campagne de second tour." (Source : Thierry Desjardins, Villepin, le cauchemar de Sarkozy, Fayard, 2012)

Trois grands axes dans l’entre-deux-tours de Jacques Chirac 

Premier axe : Chirac fera bien quelques grands meetings et ce qu’il appelle des "réunions de dialogue" avec des citoyens mais pas d’affrontement, avec symboliquement son refus de débattre avec Le Pen comme c’est pourtant la tradition pendant l'entre-deux-tours.  "Face à l'intolérance et à la haine, il n'y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible, explique Jacques Chirac. Pas plus que je n'ai accepté dans le passé d'alliance avec le Front national et ceci quel qu'en soit le prix politique, pas plus que je ne l'ai accepté dans le passé je n'accepterai demain de débat avec son représentant."

C'est une première depuis 1974. Suite à ce refus, Chirac, ultra favori, peut même se permettre une accusation de lâcheté de la part de son adversaire : "C'est une pitoyable dérobade. Comme on dit dans la cour des lycées, il se dégonfle, il n'ose pas se battre, il s'enfuit et de loin, il lance des injures." Emmanuel Macron ne pourrait l'accepter, on l'a vu lors de son déplacement chez Whirlpool à Amiens. 

Deuxième axe : Depuis déjà quelques semaines sur le nom d’un éventuel premier ministre en cas de victoire, Jean-Pierre Raffarin. Dès le lendemain du 21 avril, Jacques Chirac commence à travailler avec ce dernier à la composition d’un gouvernement même si Nicolas Sarkozy, persuadé d’être à Matignon, en fait de même en parallèle.

Troisième axe: N’oublions pas que Chirac sort de cinq ans de cohabitation avec Jospin. Il doit gagner les élections législatives organisées dans la foulée au mois de juin et rien n’est gagné car le RPR a perdu quatre millions de voix entre 1995 et 2002. Tourné vers cet objectif, Chirac concentre toute son énergie sur la constitution d’une nouvelle force politique de droite pour avoir une majorité à l'Assemblée. Nous sommes le 24 avril 2002 et la voix familière de Jean-François Achilli fait le point : "Michèle Alliot-Marie s'exprime en ce moment même devant la presse et nous savons déjà à quoi va ressembler cette "Union pour la majorité présidentielle", vous pouvez d'ailleurs déjà lancer le sigle, l'UMP. Ce sera un vaste parti derrière Jacques Chirac dans lequel va se fondre le RPR. Le bureau politique a duré une heure et demi ce matin, il réunissait Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Edouard Balladur, Jean-Louis Debré ou encore Patrick Devedjian et il a été décidé la naissance de cette UMP."

Finalement, Emmanuel Macron fait face au même problème que Jacques Chirac au sujet d’une future majorité mais il ne peut faire l’économie d’une campagne. Une équation à deux inconnues qui risque d’être difficile à résoudre, peut-être pas avant la présidentielle mais certainement après, preuve que ce n’est pas une campagne comme les autres.

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