Guerre entre Israël et le Hamas : les otages ou la guerre
Cour des Invalides, à Paris. Mercredi 7 février, la France est le premier pays à rendre un hommage à ses ressortissants victimes des massacres du 7 octobre dernier. Au total, 42 portraits sont affichés dans la cour d'honneur. Mais les officiels et le public se recueillent aussi sur le sort des trois Français présumés retenus par les groupes armés dans la bande de Gaza.
Avec les autres otages, ils sont au centre d'une autre initiative politique lancée à grande échelle avec le soutien des États-Unis, du Qatar, et de l'Egypte pour tenter d'arracher une deuxième trêve. Le visage impassible, le conseiller a la sécurité de la maison blanche, Jake Sulivan assure sur CBS que "l'accord sur les otages, est dans l'intérêt de la sécurité nationale Americaine, c'est d'une importance capitale."
"Il y a encore beaucoup de travail à faire"
Comme un ballet qui se répète, le secrétaire d'État américain Antony Blinken fait une cinquième tournée des capitales régionales. Le Hamas a répondu à la proposition de trêve avec une position jugée maximaliste. Les pièces du puzzle sont sur la table, mais elles ne semblent pas encore pouvoir s'emboîter tellement les positions sont éloignées. "Il y a encore beaucoup de travail à faire", assure le secrétaire d'État américain.
En Israël, il doit convaincre le Premier ministre Benyamin Nétanyahou qui a déjà fixé plusieurs lignes rouges, sous l'influence des affaires judiciaires qui le menace et sous la pression des partis d'ultra-droite qui composent toujours sa majorité. Le ministre messianique de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir tient l'épée de Damoclès. Dans la presse américaine, Il se permet même de miser sur la réélection de Donald Trump. "L'Amérique est notre ami, notre alliée. Mais l'administration Biden doit arrêter de mettre la pression sur nous", prévient-il.
"La libération des otages devient la cause première"
Après quatre mois de combat, le sort des otages et la conduite de la guerre créent des tensions en Israël. Benyamin Nétanyahou rejette la proposition du Hamas. Il ne met pas fin aux discussions, mais il estime que la victoire est une affaire de mois. Le sujet divise le pays. Les manifestations des familles continuent. Invité de l'émission Affaires étrangères, samedi 3 février sur France Culture, Denis Charbit, professeur de science politique à l'université libre d'Israël, explique que "les otages étaient le seul clivage qu'Israël s'autorisait. Entre ceux qui pensaient que la guerre est l'objectif principal, et ceux qui estimaient que l'objectif de la libération des otages doit être une priorité. On a essayé, y compris au gouvernement, de dire que les deux vont de pair. Pour ne pas faire craquer ce tissu national."
"Je dirais que très clairement, plus les Israëliens se rendent compte que cet objectif d'éradication du Hamas ne peut pas être obtenu, plus la question de l'objectif de la libération des otages devient en quelque sorte la première cause."
Denis Charbit, professeur de science politique à l'université libre d'Israëldans l'émission "Affaires étrangères" sur France Culture
Pendant que le secrétaire d'État américain tente de rapprocher les positions, le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné est aussi dans la région. À Jerusalem, il parle au cœur des Israéliens. Mais il prépare aussi l'après-guerre que la trêve, si elle a lieu, pourrait progressivement dessiner. "Gaza est une terre palestinienne", affirme-t-il.
Avant l'arrivée d'Antony Blinken à Jérusalem, le porte-parole de l'Armée israélienne, Daniel Hagari, révèle mardi 6 février le nombre important d'otages décédés depuis leur captivité. Sur 136 personnes toujours retenues, 31 sont officiellement déclarés mortes.
Une cause de panique à Rafah
À Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, l'angoisse monte. Avant même Benyamin Nétanyahou qui a demandé à ses troupes de se préparer, le ministre israélien de la Défense Yoav Galant agite la menace d'une avancée de l'armée à Rafah contre la frontière égyptienne, à l'endroit où sont coincés près d'un million et demi de Gazaouis. Pour Tamara Alrifaï, porte-parole de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, "c'est une cause potentielle de panique. Les personnes qui sont a Rafah pour la plupart n'ont nulle part ou aller."
Pendant deux semaines, le médecin de guerre Raphael Pitti s'est installé dans l'hôpital européen de Gaza, entre Rafah et Khan Younes. Il est entré avec l'association de médecins PalMed. "La situation totalement désespérante à Rafah, témoigne-t-il. Il n'y a pratiquement plus aucune place. On trouve de la nourriture, mais cela coûte deux à trois fois le prix. Il y a une véritable tension. Très vite les bagarres explosent."
"Il y a quelques jours, quelqu'un a été surpris en train d'essayer de voler. Toute une foule lui a couru derrière pour essayer de le lyncher."
Raphaël Pitti, médecin de guerreà franceinfo
Sarah Daoud, docteure associée au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po, spécialiste de la Palestine, estime que "ce à quoi on assiste, c'est une certaine autonomisation de la branche armée du Hamas à Gaza. Elle est à l'initiative de l'attaque du 7 octobre. C'est une opération qui a été peu coordonnée avec les cadres du Hamas en exil au Qatar. Il y a essentiellement une branche militaire dans la branche de Gaza. En exil ces dernières années, le leadership du Hamas a développé toute une stratégie diplomatique pour améliorer son image à l'international. Les cadres en exil sont en train de négocier leur place sur l'échiquier palestinien."
Dans cet épisode :Thibault Lefevre.
Réalisation : Etienne Monin, Pauline Pennanec'h, Nicolas Cazaux
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