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Blocus à Gaza : face à un Nétanyahou intraitable, Biden perd patience

Alors que le risque de famine à Gaza est de plus en plus élevé, les Etats-Unis tentent de faire plier le Premier ministre israelien Benyamin Nétanyahou qui fait de l'intervention militaire à Rafah un enjeu existentiel.
Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Les convois d'aide humanitaire bloqués à Rafah. (KHALED ELFIQI / MAXPPP)

C'est le premier cran dans le tour de vis diplomatique donné cette semaine par la communauté internationale sur la politique israélienne à Gaza. Le patron de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a souvent la dent dure contre Israël dans ses déclarations. Mais lundi 18 mars, il n'est plus le seul à vouloir changer le cours des choses. Le président américain Joe Biden a pris son téléphone pour mettre les points sur les "i" avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

Depuis un mois, les deux hommes dialoguaient par médias interposés. L'Amérique dit aujourd'hui clairement que la stratégie militaire affichée par le gouvernement israélien, qui veut intervenir militairement dans le Sud, à Rafah, n'est pas la bonne. Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche, le dit très clairement : "Une opération terrestre majeure serait une erreur. Cela entraînerait davantage de morts civils innocents, aggraverait la crise humanitaire déjà désastreuse, approfondirait l'anarchie à GAza, et isolerait davantage Israël sur la scène internationale."

Une résolution rejetée

Pour accompagner ce message, les États-Unis ont soumis le vendredi 22 mars une résolution, rejetée par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui mentionne pour la première fois un cessez-le-feu immédiat. Le document est déposé au moment où Antony blinken atterrit à Jerusalem pour s'entretenir avec un Premier ministre israélien qui enfonce le clou depuis des semaines.

Après cet entretien, Benyamin Nétanyahou joue l'opinion publique contre les Américains. Il affirme qu'il mènera l'offensive à Rafah même sans le soutien des Etats-Unis. Il a approuvé le plan militaire pour Rafah et compte valider bientôt le plan d'évacuation des civils. Il l'avait déjà martelé dimanche 17 mars devant Olaf Scholz, le chancelier allemand. "On pense que la clef pour la paix, c'est la sécurité, a-t-il déclaré. Beaucoup croient que la clef de la sécurité, c'est la paix. Nous voulons faire avancer la paix, et pour cela, Israël doit assurer la responsabilité de la sécurité dans tout ce petit secteur sinon les radicaux prendront le contrôle." Seule inflexion visible, Benyamin Nétanyahou envoie une équipe avec deux de ses fidèles à Washington pour écouter le sermon américain.

La terrible situation humanitaire à Gaza

C'est sans doute la deuxième lame dans la stratégie américaine pour tenter de modifier la trajectoire catastrophique dans laquelle l'opération militaire israélienne entraîne les habitants de la bande de Gaza. Moins de 24 heures après le coup de fil du Président américain au Premier ministre israélien, Antony Blinken dit en substance que la situation humanitaire à Gaza n'est plus tenable. La moitié de l'enclave est au bord de la famine et toute la population est en insécurité alimentaire. Cette évaluation vient d'un groupe qui rassemble les agences des Nations unies et des 20 agences de l'ONU et d'ONG. Elle est relayée au plus haut niveau par le secrétaire d'État américain Antony Blinken : "C'est la première fois qu'il y a ce type de classification à l'échelle de toute une population. 100%. La totalité de la population dépend de l'aide humanitaire. En comparaison, le Soudan est autour de 80%."

D'après cette évaluation, si rien ne change, le nord de la bande de Gaza sera en situation de famine d'ici un mois et demi. Ce risque avait déjà été identifié, mais il est aujourd'hui utilisé comme levier diplomatique. Mais il n'y a pas de garantie pour la suite craint Julia Grignon, professeure en droit international humanitaire. Selon elle, ce risque de famine dont on parle aujourd'hui, on en parle déjà depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois. "Effectivement, de toute part, il y a des pressions pour faire en sorte que cette catastrophe n'arrive pas et en même temps, je me dis que ça fait très longtemps qu'on dit que c'est la catastrophe donc je me demande jusqu'à quand on va dire que c'est une catastrophe avant de vraiment poser ce constat."

Israël est soupçonné d'utiliser la faim comme une arme, ce qui serait considéré comme un crime de guerre si c'était avéré, avertit le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Quelle que soit l'intention, dans ce type de situation, la responsabilité de l'occupant est engagée ajoute Lucile Marbeau, porte-parole du Comité international de la Croix Rouge : "Il y a une obligation en premier lieu à Israel en tant que puissance occupante, d'assurer un minimum vital pour la population civile. Il y a un consensus au niveau des organisations humanitaire  pour dire que depuis le début de l'escalade de ce conflit d'une violence inouï, il n'y a jamais eu assez d'assistance."

"Il y a une obligation en premier lieu à Israël en tant que puissance occupante, d'assurer un minimum vital pour la population civile."

Lucile Marbeau, porte-parole du Comité international de la Croix Rouge (CICR)

Comme un tir combiné lundi 18 mars, Oxfam publie un rapport dans lequel l'organisation accuse Israel de freiner délibérément l'accès aux camions d'aide Humanitaire. Louis Nicolas Jandeaux  Responsable de campagne et de plaidoyer humanitaire à Oxfam France regrette qu'entre le mois de janvier et le mois de Fevrier le nombre de camions qui on put rentrer dans le territoire Gazawoui a été divisé par deux. Déjà il n'y a que deux points de passages qui fonctionnement réellement. Il y a un protocole administratif réellement extrêmement compliqué. Les fouilles sont très très longues. Il faut savoir que les camions sont en moyenne bloqués 20 jours au point de passage.

Le nombre de camions humanitaires divisé par deux 

Malgré cette pression l'armée Israelienne a relancé une opération sur l'hôpital AL Shiffa dans laquelle plus de 140 combattants Palestiniens ont été abattus d'après les Israéliens. Et Pres de 600 personnes ont été arrêtés. En Israel les conditions de détention des Gazaouis restent opaques. Des ONG israéliennes dénoncent des abus systématiques. Dans ce contexte Les États-Unis mettent tout leur poids pour tenter de faire avancer les difficiles négociations de trêve qui ont repris au Qatar. Et les Canadiens on suspendu leur livraison d'armes à Israel

Vincent Stheli, directeur des opérations pour action contre la faim, était à Gaza au début du mois de mars. Il explique qu'il n'y a pas assez d'aliments dans le nord de l'enclave et qu'il y a aussi un mélange entre la nourriture, l'eau potable et le manque de soins. "C'est un mélange très explosif en termes de malnutrition, donc c'est une situation très critique, explique-t-il. Il y a des aliments qui arrivent mais les gens ne font pas plusieurs repas par jour et la qualité nutritive est mauvaise. Pour la famine, souvent on a des poches de famine dans un pays, dans une région, ou dans un endroit ici on parle d'un risque sur toute la population. Il faut une ouverture permanente pour l'aide humanitaire. Une pause n'est pas suffisante pour résoudre les cas de malnutrition. La malnutrition ne vient pas d'un jour à l'autre et cela va prendre du temps pour stabiliser la situation et pour revenir en arrière et récupérer la santé des enfants."

Dans cet épisode : Thibault Lefevre

Réalisation : Etienne Monin, Raphaël Rasson, Pauline Pennanec'h

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