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Une menace de mort rappée sur Facebook relève-t-elle de la liberté d'expression ?

La Cour suprême des Etats-Unis, la plus haute juridiction américaine, doit décider si des "poèmes" menaçants écrits sur le réseau social contiennent une réelle intention de nuire.
Article rédigé par Thomas Rozec
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (© Maxppp)

Au départ de sa femme après sept ans de mariage, Anthony Elonis a commencé à proférer des menaces de mort sur son compte Facebook. Des menaces écrites à la façon d'un rap. "Il y a une manière de t'aimer mais des milliers de te tuer. Je n'aurai pas de repos, tant que ton corps ne sera pas en morceaux, baignant dans le sang de ses plaies agonisant".

Si lui a déjà avancé que ces messages avaient été postés pour exprimer sa douleur sans avoir l'intention réelle de nuire à son ex-compagne, les juges de première instance et d'appel l'ont condamné à trois ans et demi de prison et trois années de liberté surveillée.

Comment les mots peuvent-ils traduire un passage prochain à l'acte ? La liberté d'expression, artistique notamment, s'arrête-t-elle quand la vie d'une autre personne est menacée ? Autant de questions que la Cour suprême devrait se poser jusqu'en juin 2015.

Lors de la première audience ce lundi 1er décembre, une majorité des neuf juges statutaires s'est montrée peu convaincue par l'argumentaire de défense d'Anthony Elonis qui invoque le Premier Amendement de la Constitution américaine protégeant la liberté d'expression. D'autant plus que l'homme s'était également montré virulent avec d'autres personnes en dehors de son ex-épouse comme une policière du FBI venue l'interroger.

Très peu de jurisprudences françaises sur Facebook et la liberté d'expression

Qu'est-ce qu'on est en mesure de dire sur Facebook sans risquer des poursuites judiciaires ? Comme aux Etats-Unis, il y a encore eu en France peu de jurisprudences à ce sujet. Et les quelques-unes existantes ne concernent pas tant des particuliers, que des employeurs et leurs employés.

Exemple avec cette décision de la Cour de cassation au printemps 2013 statuant sur la légalité de propos injurieux tenus par une salariée à l'égard de sa directrice dont elle souhaite "l'extermination " et parle de "patronnes qui pourrissent la vie". Les juges ont alors qualifié Facebook de "lieu privé"  et estimé que de tels propos postés en ligne ne portaient pas atteinte à la réputation de l'entreprise.

"Soit on s'exprime de manière publique sur Facebook sans avoir paramétré la confidentialité et donnant un accès public à notre post. Soit on configure ces paramètres en réservant son mur à ses amis et dans ce cas-là, la jurisprudence estime que Facebook est un lieu privé", explique Florence Chafiol, avocate spécialisée en nouvelles technologies au cabinet Auguste & Debouzy.

"La limite est ténue"

Cependant, la Cour de cassation n'a pas précisé à partir de combien d'amis un profil Facebook pouvait ne plus être considéré comme confidentiel. Sans oublier le fait que "la limite entre la liberté d'expression et l'atteinte à l'honneur, à la dignité ou l'apologie à la haine et au crime peut être ténue" , ajoute-t-elle en référence à l'affaire du hashtag #unbonjuif jugé antisémite par la Cour d'appel de Paris en juin 2013.

Et au fur et à mesure de ces jurisprudences, Facebook - et également Twitter - renforce ses contrôles de contenu abusif ou litigieux pour éviter tout reproche sur une trop grande liberté d'expression, qui constitue pourtant le socle de leur philosophie.

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