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Ferguson : d'une histoire à un mouvement façonné par les réseaux sociaux

Après le non-lieu du grand jury, certains espèrent encore mobiliser en ligne et dans la rue. Car #Ferguson est devenu le symbole d'une Amérique qui s'interroge sur ses inégalités raciales, sa justice et sa police.
Article rédigé par Thomas Rozec
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Manifestation à New York après le non-lieu du jury prononcé en faveur de l'officier de police Darren Wilson © Maxppp)

En une seule journée, le lundi 24 novembre, il y a eu plus de 3 millions et demi de tweets avant et après le non-lieu prononcé par le grand jury aux Etat-Unis en faveur du policier blanc accusé d'avoir abattu Michael Brown en août dernier à Ferguson. Darren Wilson ne sera pas poursuivi. Mais les soutiens du jeune Noir de 18 ans tué disent ne pas vouloir tourner la page de cette histoire qui a entraîné une série de violentes émeutes depuis cet été.

Quelques heures avant l'annonce du non-lieu, les principaux organisateurs de manifestations associées à Ferguson relaient une carte en ligne des Etats-Unis avec les endroit où des rassemblements auront lieu. Principalement dans les grandes et moyennes villes des deux côtes américaines comme ici à Washington devant la Cour suprême américaine.

Pour ceux sur place à Ferguson, un forum agrège des annonces de co-voiturage et de logement. Un autre Tumblr "Ferguson Response" recense différents évènements.

Ce sont autant d'outils qui sont utilisés depuis les débuts du mouvement pour faire parler de Ferguson. Mais, une fois le choc, la colère et l'incompréhension, il faudra faire plus selon Zeynep Tufekci, une sociologue spécialiste des technologies d'information à l'université de Caroline du Nord.

"Les réseaux sociaux aident à attirer l'attention mais s'il n'y a pas d'organisation derrière ou de changement en cours, ce ne sont pas eux qui vont résoudre des problèmes structurels. Ils sont certes efficaces pour rassembler et organiser une action collective très rapidement mais pour ce qui est la pression sur les différents pouvoirs comme le politique ou la justice, nous venons de voir à nouveau avec Ferguson que ce ne sont pas les meilleurs outils", estime-t-elle, interrogée par France Info.

Ferguson, cri de ralliement d'une Amérique qui s'interroge sur les inégalités sociales

Depuis le mois d'août, et encore dans les réactions exprimées à l'issue du non-lieu, le hashtag #Ferguson a servi d'une part à transmettre des informations, bien souvant en doublant les médias traditionnels américains qui ont tardé à couvrir l'histoire, et d'autre part à engager le débat sur les inégalités entre Blancs et Noirs aux Etats-Unis, la justice criminelle et la militarisation de la police américaine.

"Twitter aide à rendre l'histoire plus proche des gens. Depuis la fusillade, il y en a eu d'autres aux Etats-Unis. Les gens ont commencé à voir des parallèles avec leurs propres histoires issues du quotidien de leurs communauté" , analyse Judith Donath, fondatrice du Sociable Media Group au MIT. Avant d'annoncer le non-lieu dans la soirée de lundi, le procureur du comté du Missouri Robert McCulloch a, lui, pointé le rôle négatif des réseaux sociaux en expliquant que "le plus grand défi de cette enquête avait été de se distancier de l'information en continu et l'appétit insatiable pour une quelconque information ou les rumeurs interminables vues sur les réseaux sociaux".

Des réseaux sociaux plus sophistiqués

Par ailleurs, au-delà de l'histoire de Michael Brown, ce sont en filigrane d'autres tragédies individuelles qui sont rappelées dans les tweets d'internautes. Comme celle de Trayvon Martin, un Noir de 17 ans tué en février 2012 en Floride par George Zimmermann, le trouvant suspect lors d'une ronde de surveillance. "Ce sont autant de symboles qui mettent le point sur des problèmes structurels ", explique Zeynep Tufekci. Les mémoires remontent même à plus loin avec l'affaire Rodney King, cet automobiliste de Los Angeles filmé en train d'être passé à tabac par quatre policiers blancs il y a 22 ans. Et pour ces deux cas, un acquittement devant la justice.

Mais pour Judith Donath, à la différence de ces deux événements, "les réseaux sociaux ont désormais acquis une place plus importante et dans le cas de Twitter, la technologie est aussi plus sophistiquée. Il y a de plus en plus d'images". Et les images, continue-t-elle, ont commencé à avoir un poids important quand "on a vu les policiers de cette petite ville du Missouri dotés de matériel venant de l'armée américaine".

 

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