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L’égalité femmes-hommes : grande cause aux petits effets ?

À l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, Clément Viktorovtich revient sur le bilan de l’exécutif en matière d’égalité femmes-hommes. Un enjeu qui avait été déclaré grande cause du quinquennat dès 2017. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Clément Viktorovtich, le 8 mars 2022. (FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

Celui qui tire le bilan le plus sévère de l’action du président Macron, ce serait en fait… le candidat Macron !  C’est un paradoxe, mais c’est pourtant bien ce qu’il faut comprendre des propos d’Emmanuel Macron, ! Il était lundi 7 mars l’invité de l’émission "Face aux françaises", sur LCI. Il en a profité pour rappeler les initiatives prises par le gouvernement dans le cadre de cette Grande Cause. Mais il a également déclaré ceci : "Est-ce qu'on change une société en cinq ans ? Non. C'est pour cela que la décision que j'ai prise, c'est de m'engager sur cinq ans à venir encore et de dire : la grande cause du prochain quinquennat si les Françaises et les Français me font confiance, ce sera l'égalité femmes-hommes encore, parce que le travail n'est pas fini."

"Le travail n’est pas fini", il n’est tellement pas fini que, si Emmanuel Macron était réélu, l’égalité femmes-hommes serait aussi la grande cause de son second quinquennat. C’est pourtant une règle rhétorique simple. Ce que l’on a besoin de réaffirmer, voire de durcir, c’est ce qui n’était ni évident, ni appliqué. Une manière de reconnaître, sans le dire, que le bilan de ce premier mandat n’est pas satisfaisant.

Peut-on réellement transformer la société en l'espace de cinq ans ? Oui, on le peut. Et même, on le doit, quand on emploie des expressions telles que "grande cause nationale". En 2002, le président Jacques Chirac déclare que la lutte contre l’insécurité routière serait une cause nationale. Cinq ans, et des mesures aussi volontaires qu’impopulaires plus tard, le nombre de morts sur la route avait diminué de plus de 40%. Ce sont 10.000 décès qui ont été évités sur la période.

 "Des mesures plus fortes"

À contrario, entre 2017 et 2022, le nombre de femmes mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint n’a pas diminué sensiblement. Quant aux écarts de salaires entre hommes et femmes, c’est encore Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la citoyenneté et ancienne secrétaire d’État chargée de l’égalité femme-homme, qui en parle le mieux : "Effectivement je crois que c'est un combat de longue haleine, déclare Marlène Schiappa mardi 8 mars sur franceinfo, et sur lequel il y a urgence. Le World economoic forum a calculé que si on ne fait rien de plus que ce que l'on fait déjà partout dans le monde, on atteindra l'égalité économique entre les femmes et les hommes en l'an 2234. Oui il y a urgence à prendre des mesures encore plus fortes." Il y a urgence à prendre des mesures plus fortes. Heureusement, alors, que ce sujet n’était pas une grande cause nationale ! Sinon, on aurait pu commencer à se demander pourquoi ne pas les avoir prises plus tôt ! 

Il y a tout de même des domaines dans lesquels l’action de l’exécutif a été efficace. Les différents gouvernements ont été plus ou moins paritaires, le nombre de femmes à l’Assemblée nationale a largement augmenté. Ce sont effectivement des données que le président de la République a mises en avant. Mais voilà ce que répond Emmanuel Macron lorsqu'on lui fait remarquer que les postes clés, sont, eux, toujours occupés par des hommes. "J'ai pendant longtemps, dans le quinquennat, eu une secrétaire générale de la Défense nationale qui était une femme et qui est maintenant secrétaire générale du gouvernement. C'est le premier poste de notre administration. Ça pardon, mais ce sont des preuves réelles. Quand la ministre de la Défense, la secrétaire générale du gouvernement sont des femmes : ça vous montre bien que c'est pas simplement pour, en quelque sorte, la galerie."

L'argument par l'exemple

La ministre des Armées et la secrétaire générale du gouvernement sont des femmes. C’est vrai. En rhétorique, c’est ce qu’on appelle un argument par l’exemple. Dans l’échelle des preuves, cela n’est pas rien ! Mais ça ne vaut pas non plus grand-chose.  S’il avait voulu être un peu plus rigoureux, Emmanuel Macron aurait pu utiliser un argument par énumération, en rappelant, comme l’a fait mardi 8 mars Libération, que trois des quatre ministres régaliens, le président de l’Assemblée nationale, le secrétaire général de l’Élysée, les présidents des deux groupes parlementaires LREM, le délégué général de LREM, l’actuel Premier ministre et le précédent Premier ministre sont tous des hommes ! Et, s’il avait voulu monter d’un cran encore en matière de rigueur, il aurait pu utiliser un argument par la donnée agrégée, comme l’a fait l’une des françaises qui l’interrogeait, en lui rappelant que 80% des directeurs de cabinet au sein du GVT sont des hommes.

Toute sa politique n'est pas un échec. Ce ne serait pas vrai. En revanche, on pourrait souhaiter que les mots gardent leur sens. Une grande cause du quinquennat est sensée porter ses fruits lors du quinquennat. Sinon, c’est qu’elle a échoué. Ou alors, qu’elle était autre chose. Au mieux, une simple priorité dans l’action publique. Au pire, de la pure communication politique. 

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