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Anne Hidalgo, prise à son propre piège

Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité. 

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Anne Hidalgo présente son projet présidentiel aux médias à Paris, le 13 janvier 2022 (THOMAS COEX / AFP)

Anne Hidalgo présentait, jeudi 13 janvier, le détail de son programme de gouvernement. Invitée de France Inter pour en parler, c’est pourtant, une question de stratégie électorale qui a occupé le cœur des débats : celle de l’union de la gauche ! La candidate socialiste à l'élection présidentielle se retrouve prise à son propre piège. 

L’union de la gauche, en plus d’être un serpent de mer, c’est en train de devenir l’éléphant dans la pièce ! Un tiers des questions adressées au standard de France Inter étaient apparemment centrées sur ce sujet. Pour Anne Hidalgo, c’est évidemment très dommageable : alors qu’elle devrait défendre ses propositions, elle en est encore à justifier la pertinence et la légitimité de sa candidature. Et le moins que l’on puisse dire : c’est que cette défense est laborieuse. Le premier argument déployé par la candidate socialiste, c'est qu'elle incarnerait, au fond, une force incontournable. "La position pour rassembler, elle doit être centrale, déclare Anne Hidalgo. À la fin des fins, c'est quand même les sociaux-démocrates qui rassemblent parce qu'ils ont cette volonté de gouverner. La force motrice, celle qui peut-être en capacité au-delà du rassemblement de la gauche, de rassembler aussi les Françaises et les Français sur un projet, c'est la force que j'incarne." 

L'incantation pour masquer l'absence d'arguments

"La force motrice", celle qui rassemble, c’est la social-démocratie, c’est la position centrale, bref, c’est ce qu’elle incarne ! Il n'y a aucun argument ! On a certes un petit argument par le juste milieux : entre deux propositions radicales, c’est la solution centrale qui serait la meilleure. Mais c’est un sophisme, un procédé fallacieux : il n’y a aucune raison pour que la radicalité ne soit jamais justifiée ! Et à part ça, on est principalement dans de l’incantation ! Rappelons que les sondages sont très pessimistes pour Anne Hidalgo, que sa campagne rencontre, par ailleurs, fort peu d’écho, mais ce n’est pas grave : elle continue d’asséner que c’est sa position qui serait le plus à même de rassembler, au mépris flagrant de tous les éléments factuels !

On se souvient qu’en décembre dernier, Anne Hidalgo avait invité ses concurrents à participer à la primaire populaire. Or, celle-ci va avoir lieu, sans que ni Jean-Luc Mélenchon, ni Yannick Jadot, ni elle-même n’en reconnaissent le résultat. Encore une fois difficile pour la candidate de se justifier. "Il y a une initiative citoyenne qui est intéressante et qui est d'ailleurs une réponse sûrement à cette volonté de beaucoup de citoyens de prendre les choses en main directement. Est-ce que je m'y soumettrai, écoutez, ça sera une indication très intéressante de ce que veulent les citoyens. Mais moi ma campagne, ma candidature, mes propositions sont là. Je les déroule et je vais essayer de rassembler."

Face à des contradictions

 "L’initiative est intéressante", "elle est une réponse à la volonté des citoyens", "une indication sur ce qu’ils veulent"… Mais elle, sa campagne, sa candidature, ses propositions sont là. Alors, certes, Anne Hidalgo avait bien précisé qu’elle ne se soumettrai au résultat de cette initiative que si ses concurrents en faisaient de même. Mais la différence c’est que, elle, en a préalablement reconnu la légitimité : voilà qui la place, désormais, face à de sérieuses contradictions. À la question de savoir la solution ne serait pas finalement de se retirer au profit d'un autre candidat, Yannick Jadot par exemple, dont la campagne semble porter un peu plus, Anne Hidalgo répond: "Je ne crois pas que ce soit comme cela qu'on crée des dynamiques. Je pense que la bonne dynamique eut été d'accepter une primaire devant les citoyens. Je ne crois pas que le fait de s'effacer derrière tel ou tel, on l'a vu d'ailleurs aux élections régionales, quand il s'agit de juxtaposer ou d'éffacer tel ou tel. Ça ne crée absolument aucune dynamique." 

 L’important ici, c’est le verbe des phrases : "je ne crois pas ; je pense". Ce sont ce que l’on appelle des énoncés entièrement subjectivés. Anne Hidalgo ne nous présente pas des arguments : elle se contente d’énoncer des opinions. Elle ajoute ensuite : "la bonne dynamique eut été de se soumettre à la primaire". Utilisation du subjonctif passé : c’est-à-dire, le temps des espoirs déçus. Nous sommes à nouveau, grammaticalement, dans la pure incantation. Pour la suite, nous verrons? L’histoire peut encore lui donner raison si, d’aventure, elle parvient effectivement à instaurer une dynamique. En attendant, Anne Hidalgo se trouve prise à son propre piège : celui d’avoir conféré de la légitimité à une primaire qui devait rassembler la gauche. Si personne ne se retire, elle aura, au contraire, contribué à la fragmenter.

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