En Suisse, un prix récompense les produits "aux transports les plus absurdes" et au bilan carbone les plus néfastes pour la planète
Le lauréat 2020 de ce prix décerné depuis 18 ans par l'ONG Initiative des Alpes est une eau extraite d'un glacier d'Amérique du Nord et vendue en Suisse.
Dénoncer les comportements climatiquement aberrants des entreprises pour les pousser à changer leurs pratiques, tel est le pari de l'ONG environnementale suisse Initiative des Alpes. Depuis 18 ans, elle décerne le prix La Pierre du diable du produit avec "le transport le plus absurde" en termes d'émission de CO2. Sur le podium, mardi 29 septembre, on trouve des cornichons du Vietnam, de la grenade cultivée au Pérou et emballée en Egypte.
Mais le grand gagnant 2020 est Berg, une eau vendue par une entreprise canadienne. Cette société récupère les blocs de glace qui flottent dans l'Atlantique au large de Terre-Neuve. Les blocs sont ramenés à terre par bateau et filent ensuite en camion à l'usine où ils vont remplir des bouteilles d'eau, qui retournent ensuite au port. De là, elles traversent l'océan pour la Belgique. Une fois arrivées, on les embarque à nouveau dans des camions direction la Suisse... mais seulement après un arrêt à Bordeaux. Un scandale d'autant plus grand que, rappelle Inititiative des Alpes, la Suisse ne manque pas d'eau. L'ONG a d'ailleurs obtenu gain de cause : le groupe Manor, qui distribue cette eau en Suisse, a annoncé qu'il allait retirer le produit de ses rayons.
L’#eau des #glaciers du Groenland a été primée aujourd’hui pour son absurdité. La Pierre du diable 2020 revient à Manor pour avoir commercialisé de l’eau issue de la fonte de glaciers produisant ainsi 794g de #CO2 par bouteille de 750ml. #TransportAbsurde https://t.co/fBEHKdjWXh
— Alpen-Initiative (@alpeninitiative) September 29, 2020
L'eau du Groenland succède au palmarès de la "Pierre du diable" à l'air pur des Alpes vendu en spray par l'entreprise zurichoise Swiss Air Deluxe... Mais au-delà de ces exemples qui prêtent à rire et qui témoignent d'une absence de conscience écologique de certaines entreprises, la démarche d'Initiative des Alpes rappelle que l'enjeu climatique n'a pas disparu des radars en Suisse malgré la crise du Covid-19. Comme ses voisins européens, la Confédération helvétique voit son PIB reculer de façon historique à cause de la pandémie.
L'écologie dans la rue, les tribunaux et les urnes
Pourtant, le militantisme vert est bien vivant en Suisse, comme en témoigne la reprise des marches pour le climat, très suivies dans le pays. La semaine dernière à Berne, des manifestants écologistes ont tenu un sit-in devant le Parlement en pleine session, alors que la loi l'interdit. L'action a même donné lieux à des échanges très tendus entre députés. La question climatique s'invite aussi dans les tribunaux avec le jugement en appel, la semaine dernière, de militants qui avaient occupé le Crédit Suisse à Lausanne pour dénoncer les investissements de la banque dans les énergies fossiles. D'abord acquittés en raison du caractère d'extrême nécessité de leur action, la Cour d'appel les a finalement condamnés.
Dernier exemple : les urnes. Les Suisses votent beaucoup et souvent sur des thématiques très diverses dont l'écologie. Ainsi, dans la liste des prochaines votations se trouve l'initiative pour les glaciers. Le texte demande que le pays atteigne la neutralité carbone et interdise les énergies fossiles en 2050. Mais aucune date n'est pour le moment encore fixée pour le référendum.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.