Chasses traditionnelles de l'alouette : le Conseil d'État annule définitivement deux techniques de capture, la fin d’une épopée très politique ?

Le Conseil d'État a jugé lundi illégales les chasses aux pantes (filets) et aux matoles (cages) utilisées contre les alouettes, les jugeant non conformes au droit européen, dans une décision sur le fond qui annule définitivement plusieurs arrêtés gouvernementaux pris en octobre 2022.
Article rédigé par franceinfo
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Le Conseil d'Etat a jugé illégales les chasses aux pantes (filets) et aux matoles (cages) utilisées contre les alouettes, les jugeant non conformes au droit européen. (MEDIADRUMIMAGES/JOHN STRACHAN / MAXPPP)

Les alouettes, les plus gentils des petits oiseaux, symboles de joie, libérées par le conseil d'État. On les plume, on les chasse et on les piège, ou du moins on les piégeait. Car le conseil d’État vient d'annuler, lundi 6 mai, les deux derniers arrêtés qui autorisaient leur capture à l’aide de filets (les pantes) ou de cages (les matoles). Des techniques de chasses "traditionnelles". Une bonne nouvelle pour les alouettes, et la fin d’une épopée très politique qui commence en 1979, quand l’Europe adopte sa première directive pour interdire les pièges à oiseaux. En réalité un miroir aux alouettes. Pourquoi ? D'abord parce que la France a mis 10 ans à transcrire la directive en droit français ! Ensuite parce que lorsqu'elle le fit enfin, elle "oublia" malencontreusement certaines espèces comme les Bruants ortolans…Quant aux autres espèces, il était toujours possible de les piéger par voie dérogatoire.

Le piégeage était interdit, sauf en l’absence d’autre solution, sauf pour certains oiseaux, sauf en petites quantités, et sauf en cas de contrôle strict. Résultat : à chaque département ses arrêtés dérogatoires, et ses espèces piégées. Les grives et les merles en PACA et dans l’Aveyron, les vanneaux huppés dans les Ardennes, les alouettes en Gironde, dans les Landes, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Atlantique. Pour les alouettes des champs, c'était même la triple peine : le fusil, le filet et la cage. Alors que leur population, sur laquelle pèsent bien d’autres menaces, a diminué de 25% depuis les années 80, au point que les scientifiques craignent que leur chant puissant d'oiseau mélomane, avec ses 600 notes, appartienne bientôt au passé tant on leur aura plumé le bec.

Des arrêtés dérogatoires attaqués les uns après les autres

Finalement la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et l’association One Voice ont obtenu la fin du piégeage à l’issue d’une bataille homérique, qui aura duré tout de même six ans. Les arrêtés dérogatoires furent attaqués les uns après les autres, département par département. Jusqu’à ce que la Commission européenne et la Cour de justice européenne s'en mêlent, et volent dans les plumes de la France. La tradition n’étant pas une raison suffisante pour outrepasser la loi en perpétuant des techniques interdites, et accessoirement cruelles. Résultat, en août 2021 le Conseil d’État confirmait enfin l’interdiction des pièges, car ne répondant pas aux critères dérogatoires. Il aurait alors été possible d'en finir avec les traquenards et les embuscades, mais c'était sans compter la détermination du gouvernement qui, dans la foulée de l’annulation des arrêtés par le conseil d'État, en prenait de nouveaux…

Les nouveaux arrêtés, eux-mêmes attaqués, furent de nouveau cassés les uns après les autres. Jusqu'à ce que le Conseil d'État annule les deux derniers définitivement. C'est du moins à espérer, car il aura tout de même fallu près d’un demi-siècle, et des dizaines de milliers d'oiseaux en déclin abattus, juste pour que la réglementation soit respectée…

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