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Cinéma week-end. Séverine Danflous se fait son cinéma

Des salles toujours fermées, mais des livres qui parlent de cinéma, ou qui s'en inspirent. Thierry Fiorile reçoit Séverine Danflous, critique et enseignante de cinéma. Elle publie son deuxième roman, "S'abandonner" et tourne un documentaire sur la rupture sentimentale. 

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
"S'abandonner" est le deuxième roman de Séverine Danflous.  (MAREST EDITIONS)

S’abandonner aux éditions Marest est le deuxième roman de Séverine Danflous. Cette critique et enseignante de cinéma se met dans la peau d'un homme, laminé par une rupture, et tourne un documentaire en faisant parler des femmes qui racontent leur propre rupture sentimentale.

franceinfo :  Quels sont les ressorts de ce récit qui mêle intime et cinéma ?   

Séverine Danflous : C’est psychanalytique, sans doute. Cinématographique, évidemment. Cet homme enregistre des voix, il ne sait pas encore quelles images il va poser sur ses voix. Il travaille surtout à résorber sa propre douleur et à se sauver lui-même en écoutant d'autres voix, en enregistrant, en captant ces voix. Sa démarche est artistique, c'est déjà une manière de se sauver de la douleur. 

C'est un homme qui souffre et qui fait parler les femmes qui ont souffert. C'est une femme qui l'écrit. La question du genre trimballée dans tous les sens ? 

Oui, parce que je crois à l'universalité de la souffrance, que ce soit un homme ou une femme qui en parle. Il y a une universalité, de l'amour et de la souffrance. On a tous un peu l'espoir, à un moment donné, de remonter à la surface.  

Et il a besoin que ces femmes racontent ça. Comme on se décharge de sa douleur, de la même manière qu'on le fait quand on va au cinéma, quand on est triste, on ne va pas voir une comédie...  

En écoutant ces voix de femmes, comme quand on est triste, on va pleurer au cinéma. C'est le détour aussi fictionnel. C'est passer par quelque chose d'autre pour aller se chercher soi. C'est souvent une démarche artistique. J'avais besoin de fictionner aussi ce rapport à ces voix. Qu'est-ce que je fais de cet homme ? Qu'est-ce que je fais de ces voix ? J'ai imaginé qu’il rencontrait des femmes dans les cafés pour construire son documentaire qui parle de souffrance et de douleur. Il n'a pas envie de revenir sur la souffrance et la douleur de la rupture. Mais en même temps, il en a besoin.

Quoi de mieux que de construire une sorte de mise en scène pour aller écouter d'autres voix, d'autres femmes, raconter leur propre souffrance, et dans ces voix de femmes, c'est aussi lui qui parle d'une autre manière, même si elles parlent pas mal de problèmes assez féminins. Elles parlent quand même d'avortement. Elles parlent de tout ce qui creuse la rupture, aussi de domination parfois masculine, quand on est une femme de la difficulté à créer, de trouver sa place dans la création, mais en même temps, lui s’y reconnaît aussi. 

C'est étrange de lire ce livre alors que les cinémas sont fermés, que les cafés sont fermés, que ce roman a presque des allures de scénario, qu'on imaginerait très bien un film à partir de ce livre ?  

On a l'impression de lire un livre de science-fiction parce qu'effectivement, ils vont au cinéma. Il va au cinéma, il va dans des cafés, écouter, enregistrer des voix de femmes et tous ces cafés là que je cite, qui sont des cafés parisiens qui existent, ils sont fermés, les cinémas aussi, et ça nous manque. C'est une manière de les retrouver peut-être dans la lecture. J'espère qu'on va les retrouver concrètement. Mais est-ce que ça pourrait faire un film ? Ce serait formidable. Je ne sais pas. 

C'est la magie de la littérature, écrire un roman, ça coûte moins cher qu'un film, c'est plus simple. Là, on est entre Claude Sautet et un cinéma expérimental ? 

Alors oui, il y a quand même des films qui sont explicitement cités, que ce soit Les Parapluies de Cherbourg sur un quai de gare, Cria Cuervos, des histoires de ruptures au cinéma. La Maman et la Putain, d'ailleurs, toujours pas visible au cinéma, même si les cinémas étaient ouverts. Ce qui m'a traversée en écrivant, c’est beaucoup de films, beaucoup de chansons aussi, de poésie. Cinéma expérimental aussi, parce que la voix au cinéma, le son au cinéma, c'est quelque chose d'assez sidérant, fascinant et important, et qu'on néglige bien souvent.

Et après, ça peut faire penser effectivement à Claude Sautet. À cause des cafés aussi. Et puis, Les Choses de la vie, film qui raconte une histoire de rupture qui n'a pas vraiment lieu puisque l'homme meurt. Et en même temps, au moment où il meurt, il commence à se demander s'il faudrait que la rupture ait lieu, il y a cette belle lettre de rupture qui n'arrive jamais à son destinataire.   

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