Les entreprises ont-elles vraiment l’obligation légale de passer en télétravail ?
Depuis vendredi matin et le début du confinement, le télétravail n'est "pas une option". Il est "obligatoire" partout où c'est possible. Seulement voilà, cette règle sanitaire n'a pas force de loi.
"Le télétravail n'est pas une option, cette obligation sera inscrite dans la nouvelle version du protocole nationale en entreprise"... Elisabeth Borne s'est montrée ferme, jeudi 29 octobre. Mais les entreprises ont-elles vraiment une obligation de passer au 100% télétravail ? La réponse n'est pas si simple en termes de droit.
Il y a certes les déclarations très nettes du Premier ministre Jean Castex et de la ministre du Travail notamment. Il y a aussi un texte, le protocole national pour les entreprises, établi et mis à jour depuis le début de la crise sanitaire par le ministère du Travail. Un guide qui fait référence et qui dit clairement depuis hier soir que le télétravail doit être la règle pour l'ensemble des activités qui le permettent. Le temps de télétravail est porté à 100% du temps du travail, et non plus à deux ou trois jours comme c'était le cas auparavant. Seulement voilà, ce texte n'a pas force de loi. C'est le Conseil d'Etat, rien de moins, qui l'a rappelé dans une décision qui date du 19 octobre.
Des sanctions possibles pour les entreprises
En fait, il n'y a aujourd'hui qu'un seul texte qu'elle doivent suivre. C'est l'article 4121-1 du Code du travail. Il dit que l'employeur doit tout mettre en oeuvre pour garantir la santé et la sécurité de ses salariés. Sinon il se met à la faute. Une faute qui peut être de nature civile, mais aussi pénale. Le protocole gouvernemental ne crée pas d'obligation pour les employeurs, mais il est une nouvelle référence. En clair, si un employeur le suit, il pourra dire au juge, s'il est attaqué, qu'il a tout bien fait comme les pouvoirs publics lui ont dit de faire, explique Laurent Gamet, avocat et professeur de droit à Paris-Est.
En revanche, si un salarié tombe malade et qu'il est démontré que son employeur ne l'a pas placé en télétravail alors que c'était tout à fait possible, alors ça n'est pas bon du tout pour l'employeur. La "faute inexcusable" pourra être invoquée devant un tribunal judiciaire, et l'intégralité du préjudice devra être réparé. Ce qui peut être très lourd. Il peut donc y avoir une sanction pour l'employeur qui rechigne au télétravail, mais c'est une sanction a posteriori.
En plus du juge, selon Sabrina Kemel, avocate en droit du travail, on peut très bien imaginer aussi qu'un inspecteur du travail débarque dans une entreprise qui fait travailler ses salariés sur le site alors qu'ils pourraient le faire à distance. S'il n'a pas de bonnes raisons, il pourrait se voir rappeler son obligation de sécurité envers ses salariés.
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