Covid-19 : un avant et un après pour les managers
Toute la semaine, Philippe Duport s'intéresse au coronavirus et ses différents impacts dans le monde du travail.
Il y aura sans aucun doute un changement dans la façon de diriger une entreprise. Nous avons interrogé un sociologue et un psychologue du travail et tous deux disent qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Mais pour quels managers ? Quels managers ont été les plus impactés par la crise ?
Pour François Dupuy, qui a mené un travail de terrain en avril dans neuf très grandes entreprises et une collectivité locale, un travail scientifique qui l'a conduit à mener quelque 600 entretiens, les grands vainqueurs de cette crise, ce sont les managers de proximité. Ce sont eux qui ont assuré la continuité de l'activité et qui se sont occupés de la santé physique et morale de leurs équipes. Et ils l'ont fait en totale autonomie. Pour le sociologue, qui vient de faire paraître On ne change pas les entreprises par décret, au Seuil, ils ont même fait en adoptant une stratégie de "désobéissance organisationnelle".
Dans beaucoup d'entreprises, la crise a amené les "fonctions support" du siège à édicter toujours plus de normes et de process. Selon François Dupuy, les managers de proximité qui ont réussi dans leur mission – et pour lui, c'est l'immense majorité – l'ont fait en s'affranchissant, justement, de ces normes. Et en faisant passer un message à leurs équipes : "On est tous dans le même bateau". Mais attention, cette stratégie de franc-tireur, les managers de proximité la paient par un épuisement important.
Tous n'ont pas eu la même empathie
C'est l'avis du psychologue du travail Christophe Nguyen, du cabinet Empreinte humaine. Pour lui, le travail à distance a pu révéler chez les encadrants une tendance au "micro-management", au contrôle tâtillon. Un penchant rejeté nettement par les salariés en cette période de crise. Des collaborateurs en forte quête d'autonomie. Au point justement que, pour les managers, gérer ce rejet du reporting, cette revendication d'autonomie voire d'indépendance a pu se révéler épuisant. Résultat, comme François Dupuy, Christophe Nguyen estime que les managers sont plus en détresse psychologique que les autres.
Les deux observateurs s'accordent pour dire que, face à des équipes plus soudées – c'est un effet collatéral de la crise – les cadres ne pourront plus exercer leur mission comme avant. Notamment en tenant compte davantage des contraintes personnelles que rencontrent leurs collaborateurs.
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