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20% de réponses en moins d'avoir une réponse à une annonce d'emploi pour les candidats maghrébins

Quand on cherche un emploi, mieux vaut avoir un nom de famille à consonance française plutôt qu'à consonance maghrébine. 8 500  fausses candidatures ont été envoyées en réponses à de vraies annonces d'emploi publiées par 103 grandes entreprises entre octobre 2018 et janvier 2019.

Article rédigé par Philippe Duport
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Comment s'habiller au travail ? Quels sont mes droits ? Photo d'illustration.
 (MAXPPP)

20% de chance en moins d'obtenir une réponse à une candidature si on porte un nom à consonance maghrébine. C'est ce qui ressort d'une campagne de "testing" lancée par le gouvernement mais dont les résultats n'ont toujours pas été publiés officiellement.

Quand on répond à une offre d'emploi, mieux vaut s'appeler Emilie Petit, Julien Legrand ou Laetitia Lefevre que Jamila Berchargui, Ahmed Djazouli ou Yasmina Mehdaoui. Selon les chercheurs de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée, les candidats qui portent un nom à consonance maghrébine ont en effet 20% de chance de moins d'obtenir une réponse. Et même 30% de moins s'il s'agit d'une candidature spontanée. Et pourtant, à part le nom, tout est pareil : mêmes diplômes, même parcours professionnel, mêmes compétences en langue et en informatique, pas de période de chômage. Seul le nom change.

La plus grande campagne de testing jamais réalisée en France

8 500 tests menés entre octobre 2018 et janvier 2019. Des fausses candidatures ont été envoyées en réponses à de vraies annonces d'emploi publiées par 103 grandes entreprises. Les résultats ont été dévoilés par nos confrères de France Inter. Il y a une "discrimination significative et robuste à l'encontre des candidats présumés maghrébin". Plus précisément, sur les 103 entreprises testées, une quinzaine discriminent plus massivement que les autres. Et ce sont justement les plus grandes, celles qui ont un plus fort chiffre d'affaires, qui sont les plus fautives.

On n'a pas le nom de ces entreprises, et c'est tout le problème. Selon France Inter, le gouvernement, en l'occurence le ministère de la Ville et du Logement, dispose de cette étude depuis huit mois mais il ne l'a pas rendue publique. Ce sont les chercheurs qui l'ont fait devant le silence officiel. Pourtant, c'est Emmanuel Macron lui-même qui, dans un discours prononcé à Tourcoing pendant la campagne présidentielle, s'était engagé à "rendre publics les noms des entreprises les plus délinquantes" en matière de discrimination à l'embauche. Et à donc pratiquer ce que les anglo-saxons appellent le "name and shame", c'est à dire à couvrir de honte publiquement les fautifs.

Or il n'en est rien. Le ministère de la Ville explique qu'à ce stade, il préfère discuter avec les entreprises discriminantes. Yannick L'Horty, le chercheur qui a conduit ce testing – qui a eu lieu, il faut le rappeler, à la demande du gouvernement  –s'étonne que les plus grandes entreprises sont justement celles qui pratiquent le plus la discrimination à l'embauche. Ce sont justement elles qui sont engagées dans des "labels, qui signent des chartes, qui ont tous les moyens de garantir des processus de recrutement impartiaux. Et qui communiquent beaucoup là-dessus. Force est de constater qu'il y a loin du discours aux actes.

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