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La passion pour les faits divers

La date du procès de Jean-Marc Reiser, qui a avoué, après de multiples péripéties, le meurtre de l’étudiante Sophie Le Tan vient d’être fixée : il aura lieu en juin. Le rapport du public aux faits divers est plus complexe qu'il n'y paraît. Décryptage avec la psychanalyste Claude Halmos. 

Article rédigé par Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le père et la mère de Sophie Le Tan, leur famille et leurs amis le 7 septembre 2019, un an après la disparition de l'étudiante strasbourgeoise.  (FREDERICK FLORIN / AFP)

Le procès de Jean-Marc Reiser, qui a avoué, après de multiples péripéties, le meurtre de l’étudiante Sophie Le Tan aura lieu du 27 juin au 8 juillet 2022 à la cour d'assises du Bas-Rhin, à Strasbourg. Et c’est pour nous l’occasion d’aborder avec la psychanalyste Claude Halmos, la question de l’intérêt que suscitent dans le public les faits divers.   

franceinfo : Comment pensez-vous que l’on puisse expliquer un tel intérêt ?    

Claude Halmos : L’intérêt du public pour les faits divers est souvent critiqué parce que, comme ils partent en général de faits horribles, on soupçonne ceux qui s’y intéressent de voyeurisme morbide, et surtout de mépris pour les souffrances des victimes. Mais c’est très réducteur parce que le rapport du public aux faits divers est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Et surtout il comporte plusieurs temps.  

L’acte qui est au départ du fait divers suscite généralement des réactions normales : d’effroi, d’horreur et de compassion pour la victime et ses proches. Mais très vite, si l’affaire prend des dimensions auxquelles on ne se serait pas attendu, un glissement s’opère et on change de registre : on quitte peu à peu, sans s'en rendre compte, celui de la réalité, pour basculer dans un autre, qui est très proche de la fiction. Et, à partir de là, on peut se mettre à suivre les péripéties de la fuite d’un suspect, et des recherches de la police, comme s’il s’agissait d’un film ou d’une série, en n’étant plus véritablement "connecté" à l’horreur de la réalité.       

Et cela explique l’intérêt pour les faits divers ?         

L’un des ressorts les plus importants de l’intérêt pour les faits divers est certainement cette dimension de fiction, qu’ils peuvent prendre.  Mais c’est surtout le fait que cette dimension, tout à fait extraordinaire, surgit en général de la réalité la plus banale, et la plus ordinaire. On le souligne souvent : le suspect qui vit désormais des aventures dignes d’un roman, était pour ses voisins un petit monsieur parfaitement normal, et sans problèmes. 

Le fait divers c’est l’idée d’un extraordinaire, possiblement caché derrière la banalité du quotidien, et donc d’une dimension de ce quotidien qui, en ouvrant la porte à l’imagination, le rend beaucoup plus excitant. Sans pour autant provoquer ni peur (car l’horreur est au coin de la rue mais en même temps, très loin) ni culpabilité : on peut plonger dans les pires fantasmes, mais le coupable, c’est l’autre.              

Est-ce qu’il n’y a pas quand même une fascination pour les criminels ?       

En fait, le public est sans doute moins fasciné par le criminel, que par l’interrogation sur ce qui pourrait expliquer ses actes. Et il est normal que cette question fascine : qu’est-ce qui fait qu’un être humain peut devenir criminel ? Comment l’expliquer ? C’est une question légitime. La science – on le sait – la pose depuis longtemps et avec divers types de réponses : existe-t-il des êtres qui naîtraient criminels ? Ou est-ce dû à l’histoire qu’ils ont eue ? 

Les faits divers sont de véritables mines d’informations, et de questionnements sur le comportement humain. Et c’est pour cela d’ailleurs que tant d’auteurs s’y sont intéressés.     

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