C'est dans ma tête. Vaccination : le retour de l'espoir dans les têtes ?
Plus de 960 000 personnes en France ont à ce jour déjà reçu leur première dose de vaccin anti-Covid. La vaccination, une première porte vers l'espoir, c'est ainsi qu'elle est perçue par beaucoup de Français. Une majorité d'entre eux se disaient sceptiques il y a quelques semaines encore, mais on constate maintenant un recul des réticences.
La vaccination a commencé. Et on constate qu’elle s’accompagne d’un recul des réticences : de plus en plus de personnes veulent se faire vacciner. La psychanalyste Claude Halmos nous apporte son éclairage sur ce revirement.
franceinfo : Comment expliquer un tel revirement ? Et peut-il avoir une incidence, au-delà de la vaccination, sur le moral des français ?
Claude Halmos : Le revirement que l’on observe, par rapport à la vaccination, le fait que beaucoup de gens, qui étaient réticents, deviennent demandeurs est important. Parce qu’il semble indiquer que le passage de l’idée de vaccination à la vaccination elle-même permet, sur le plan psychologique, le début d’un renouveau.
Que voulez-vous dire ?
Nous vivons depuis presque un an "en mode Covid". C’est-à-dire dans un temps arrêté, puisque nos vies – personnelles, et professionnelles – sont en suspens, sans que nous sachions jusqu’à quand ; et dans un sentiment d’emprisonnement, et d’impuissance par rapport à ce virus, et à la mort dont il est porteur. Et cette vie "en mode Covid", ajoutée aux angoisses dues aux difficultés économiques grandissantes, est génératrice de sentiments dépressifs ; et, comme toujours en pareil cas, d’un repli sur l’imaginaire : quand on est déprimé, on "rumine".
Beaucoup de gens se retrouvent donc dans un état de grande fragilité psychologique avec, d’une part, une propension à croire au pire (qui les rend particulièrement vulnérables aux "fake-news" sur, notamment, la nocivité des vaccins). Et d’autre part (parce qu’ils se sentent aussi menacés et impuissants que des enfants), une très grande attente de protection de la part de l’instance qui occupe dans la société, une fonction d’ordre parental, c’est-à-dire de l’État. Attente qui, déçue à plusieurs reprises par divers manquements, a entraîné un sentiment d’abandon, lui aussi très déprimant. La vaccination peut, peut-être, permettre de commencer à sortir de tout cela.
Pourquoi ?
Le passage de l’idée des vaccins, à la vaccination, permet de passer de l’imaginaire à la réalité, et donc de décrédibiliser les fake news : de plus en plus de gens sont vaccinés, sans problèmes graves. Une confiance dans le vaccin peut donc renaître et, avec elle, pour la première fois depuis très longtemps, la perspective d’un avenir : l’espoir que, l’impuissance et la mort reculant, la vie puisse reprendre, même si l’on en est encore très loin, son cours normal.
Donc la façon dont va se passer la vaccination est un gros enjeu ?
Bien sûr. L’État peut prouver aux chefs d’entreprises et aux salariés, en leur apportant des aides, qu’il est à leurs côtés dans l’épreuve. Et il peut, par la façon dont il organise la vaccination, montrer aux citoyens qu’il se soucie de préserver leur santé, et leur vie ; ou au contraire les conduire à penser qu’ils sont pour lui quantité négligeable. L’enjeu de cette vaccination est donc, au-delà même de sa réalité, énorme, parce que l’espoir est fragile : plus l’on a espéré, plus l’on tombe de haut si l’on est déçu. Et plus l’on peut en vouloir à ceux qui ont trahi la confiance que l’on avait placée – ou replacée – en eux.
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