C'est dans ma tête. Réglementer les rêves ?
Les enfants et leurs parents ont la tête dans les étoiles depuis l'envol de l'astronaute Thomas Pesquet, le 23 avril, vers l'ISS, mais cela donne une résonance singulière aux propos de la maire de Poitiers qui avait affirmé lors d’un conseil municipal, que l’aérien ne devait plus faire partie des rêves des enfants. Décryptage avec la psychanalyste Claude Halmos.
Depuis quelques temps les enfants, mais aussi leurs parents ont, grâce à Thomas Pesquet, la tête dans les étoiles. Et cela ne peut, surtout dans la période actuelle, que nous réjouir. Mais en même temps, cela donne une résonance particulière aux propos de la maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy, qui avait affirmé fin mars, lors d’un conseil municipal, que l’aérien ne devait plus faire partie des rêves des enfants. Elle a reconnu ensuite une maladresse. Nous revenons aujourd'hui avec la psychanalyste Claude Halmos sur cette déclaration.
franceinfo : Pensez-vous qu’il faille combattre certains rêves des enfants ?
Claude Halmos : L’émoi suscité par cette déclaration est compréhensible, parce qu’une société qui aurait comme projet non seulement de formater les enfants en les conditionnant à une pensée unique (ce qu’ont toujours fait les états totalitaires), mais de réglementer jusqu’à leurs rêves, serait une société terrifiante.
La capacité que son imagination lui donne, de rêver, est une spécificité de l’être humain, et l’une des choses qui lui confèrent sa valeur irremplaçable : un ordinateur n’est pas capable de rêver. Et les rêves sont essentiels à la construction d’un enfant.
De quelle façon ?
Les enfants petits ont une imagination sans limites. Parce qu’ils n’ont pas encore assez conscience de ce qu’ils sont, et du fonctionnement du monde, pour comprendre que certaines choses sont impossibles : que l’on ne peut pas, par exemple, même en agitant très fort ses bras, voler comme un oiseau.
Peu à peu ils le comprennent, et ils réservent alors leurs souhaits irréalisables au domaine du jeu. En se servant du moyen que leur donne le langage, et que nous avons tous utilisé : le conditionnel : "on dirait qu’on serait…des oiseaux qui volent".
Et il est important que les adultes ne brisent pas, au nom de la rationalité, ces rêves qui sont pour les enfants un facteur de bonheur, d’épanouissement, mais aussi de créativité. Parce qu’ils peuvent leur donner l’envie de travailler, d’apprendre, pour faire que certains de ces rêves, puissent devenir un jour réalité. Si personne n’avait jamais rêvé de voler, on ne serait sans doute jamais passé du rêve à la science, pour concevoir des avions.
Mais il arrive que les rêves des enfants s’opposent aux valeurs des parents ?
Bien sûr, et cela pose l’une des questions centrales de l’éducation : comment transmettre des valeurs à ses enfants, tout en ne les empêchant pas de penser par eux-mêmes, et de développer leur personnalité ? Cela suppose de leur expliquer ces valeurs, et leur importance, mais en même temps de supporter qu’ils n’y adhèrent pas automatiquement, qu’ils les questionnent, et même qu’ils les contestent. Et plus encore, bien sûr, à l’adolescence.
C’est la condition pour qu’ils développent leur sens critique ; mais aussi pour qu’ils fassent le chemin intérieur qui leur permette d’adhérer vraiment à ces valeurs, au lieu de s’y soumettre passivement. Et il faut se rappeler surtout que les valeurs se transmettent d’abord par l’exemple : c’est en voyant ses parents le faire, qu’un enfant apprend à réfléchir, par exemple, aux dangers d’une mauvaise utilisation de l’aérien.
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