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C'est dans ma tête. Le racisme à hauteur d'enfant

Le racisme pèse lourdement sur l’image que l’enfant qui le subit, et voit ses parents le subir, construit de lui-même.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
"Le racisme dans la vie des enfants est largement sous-estimé". Claude Halmos (DONALD IAIN SMITH / PHOTODISC)

On a beaucoup parlé des manifestations qui se multiplient aux États Unis, depuis la mort de Georges Floyd, pour dénoncer le racisme. Et de celles qui ont eu lieu en Comment les enfants concernés, et les autres, vivent-ils le racisme ? Comment éduquer, par rapport au racisme ?        

Claude Halmos : Le rôle que joue le racisme dans la vie des enfants est largement sous-estimé, parce que l’on refuse d’entendre que ce que leur fait vivre la société (le racisme ou la pauvreté) ne les fait pas seulement souffrir, mais conditionne leur construction. Le racisme pèse, très lourdement, sur l’image que l’enfant qui le subit, et voit ses parents le subir, construit de lui-même. Avoir une bonne image de soi, c’est avoir confiance en ses capacités, ses qualités physiques et intellectuelles, et sa possibilité d’être aimé. Et l’enfant ne nait pas avec cette image, il la construit ; en fonction de ce qu’il vit. À ce niveau, les enfants des communautés discriminées sont d’emblée, pénalisés.        

Pour quelle raison ?      

Les autres sont, pour l’enfant, son premier miroir. C’est en intériorisant celles qu’ils lui renvoient de lui, qu’il construit son image. Et elle a deux faces : l’une liée à la sphère intime (la famille), l’autre à la sphère sociale ; et chacune peut soit renforcer, soit compenser l’autre. Or, même si l’amour et l’estime de sa famille sont essentiels pour un enfant, ils ne pourront jamais compenser le fait que lui, ou les siens soient traités, dehors, de "sales nègres", "sales juifs", ou "sales arabes". Cette "saleté" -là, ne se nettoie jamais. Et il faudrait réfléchir à ce que peut penser un enfant noir qui regarde sur un écran, un homme agoniser, parce qu’il est de la même couleur que lui, sous le genou d’un policier blanc.          

Que ressent un enfant victime de racisme ?    

Le racisme est incompréhensible pour lui, si on ne le lui explique pas. Or ses parents sont souvent trop en souffrance pour le lui expliquer. Et le fait de les sentir vulnérables le fait se sentir lui-même, encore plus désorienté et impuissant. Avec, s’il en reste là, deux solutions possibles : soit se soumettre (ce qui est destructeur), soit, pour rendre la violence subie, sombrer dans la violence. Et ses camarades blancs sont eux aussi en danger. Parce qu’un monde où l’autre est rejeté, les initie au rejet, en même temps qu’il les angoisse          

Comment aider les enfants ?  

En les éduquant à la diversité, et notamment à l’école : en parlant, dès la maternelle, du pays d’origine de chaque enfant, de sa langue, de ses paysages, de sa cuisine. Et en leur expliquant le racisme. Un enfant peut comprendre que décréter certains peuples inférieurs a permis de les utiliser, de les exploiter. Et, à partir de là, s’il est victime, se protéger un peu. En comprenant que l’image qui lui est renvoyée n’est pas la sienne. Mais celle d’un objet que le raciste a besoin, pour se sentir supérieur, de poser comme inférieur.         

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