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C'est dans ma tête. "Gens du voyage", la grande peur de l'Autre...

La psychanalyste Claude Halmos revient aujourd'hui sur le rejet et les menaces dont les gens du voyage font l'objet. Le maire de Wissous vient d'être condamné cette semaine à six mois de prison avec sursis et 1500 euros d'amende pour menace avec arme à leur encontre. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des membres de la communauté des gens du voyage autour d'un feu de camp, à Moirans (Isère), le 21 octobre 2015. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Le maire de Wissous, Richard Trinquier (DLF) qui avait, en avril dernier, menacé dans sa commune avec un sabre des gens du voyage, a été condamné, mercredi dernier 21 novembre, à six mois de prison avec sursis, et 1 500 euros d’amende par le tribunal correctionnel d'Evry. On sait que les gens du voyage peuvent faire l’objet de rejets ou de menaces sérieuses. Claude Halmos explique aujourd'hui pourquoi on peut en arriver à de tels actes. 

Comment expliquer que l’on puisse en arriver à des actes aussi graves ?     

Chaque cas est particulier, mais les actes de ce genre se situent toujours au croisement d’une problématique personnelle et d’un problème social. Lorsque quelqu’un agresse une personne avec laquelle il n’a aucun lien personnel, il n’agresse pas cette personne, mais ce qu’elle représente - consciemment et surtout inconsciemment - pour lui. Et la façon dont la société caractérise cette personne peut influer sur son choix.          

Vous pouvez nous expliquer ce processus ?    

Nous pouvons tous porter, inconsciemment, la marque de souffrances graves que nous avons subies, ou que nos ascendants, qui les ont subies, nous ont transmises. Et que nous avons dû enfouir, parce qu’elles étaient trop douloureuses, ou parce que personne, n’a jamais voulu les entendre.

Certaines personnes se retrouvent donc habitées, hantées par des souffrances dont elles ignorent consciemment la véritable origine (qui est dans leur passé). Et peuvent, de ce fait, les projeter sur leur vie présente, en y cherchant (éventuellement jusqu’au délire) des personnes ou des groupes qu’elles vont imaginer responsables de leur malheur, et même parfois vouloir détruire.            

Et ces responsables supposés sont "choisis" en fonction de quoi ?

C’est, là encore, particulier dans chaque cas. Un individu peut être choisi en raison de sa fonction, de son physique, des évocations suscitées par son nom, etc.

Un groupe de personnes sera choisi d’autant plus facilement qu’il est déjà, socialement, désigné comme "mauvais"

Or les groupes désignés, historiquement, comme responsables du malheur des autres n’ont jamais manqué : les juifs pour les nazis, les musulmans ou les migrants pour les extrêmes droites aujourd’hui, etc. Et les gens du voyage ont été, depuis très longtemps, rejetés.                        

Pour quelles raisons ces personnes sont-elles rejetées depuis longtemps ?  

Comme toujours quand il s’agit de rejet de l’autre : par ignorance et par refus de la différence.

Les hommes et les femmes, qu’une loi de 1970 a désignés, en France, comme "gens du voyage", ont toujours été l’objet de fantasmes, et même de légendes

Claude Halmos

Parce qu’on ne savait ni d’où ils venaient, ni surtout, comme ils étaient nomades, de quelle façon ils s’inscrivaient dans l’économie. On les a donc imaginés oisifs, voleurs, dangereux. Les nazis, on le sait, ont déporté les Tsiganes. Mais ceux que l’on a nommés "vagabonds" ou "bohémiens" ont aussi, en France, beaucoup souffert. On les a expulsés au XVIIe siècle, persécutés au XIXe etc…

C’est une histoire terrible. Elle permet qu’ils puissent devenir le symbole de l’ennemi, inconnu et insaisissable, qui pourrait, pour nuire, surgir de n’importe où. Et il faudrait enseigner dans les écoles cette histoire, parce qu’elle raconte admirablement notre grande peur de l’autre et de l’altérité, et peut, à ce titre, aider à la prévention.         

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