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C'est dans ma tête. Avoir le droit d'être soi

Après l'agression de Julia, dimanche 31 mars à Paris, place de la République, retour aujourd'hui sur le rejet dont sont victimes, notamment, les personnes transgenres. Pourquoi et comment suscitent-elles autant de violence et de discrimination ? 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La Une de "Libération" du jeudi 4 avril 2019 avec Julia. Avec le titre "Je suis trans et alors ?" (LIBERATION)

Le 31 mars dernier, une personne "trans", Julia, a été violemment agressée, à Paris, par des hommes. Une partie de l’agression a été filmée et diffusée sur les réseaux sociaux, et elle a suscité, à juste titre, une très grande indignation. La psychanalyste Claude Halmos revient aujourd'hui sur la violence de ces agressions. Comment et pourquoi se déclenchent-elles si brutalement. 

franceinfo : Comment peut-on expliquer que les personnes "trans" suscitent autant d’agressivité ?

Claude Halmos : La fréquence et la violence des agressions, inadmissibles, auxquelles sont soumises les personnes "trans", montrent l’importance et la complexité des résistances, individuelles et sociales, qui sont en jeu.

Que montrent ces agressions ? 

La première chose que montrent ces agressions, est le refus de la singularité de l’autre. Dans une société civilisée, chacun devrait, quel qu’il soit, pouvoir vivre en paix au milieu des autres. Or, ce n’est pas le cas. Parce qu’accepter que l’autre soit différent de soi, est difficile.

Pour des raisons individuelles : parce que la singularité de l’autre nous renvoie à l’idée - qui peut être angoissante - de notre propre singularité, et peut même faire vaciller les certitudes sur lesquelles nous nous sommes construits. Mais aussi pour des raisons sociales, parce que notre société s’appuie sur des normes qui prétendent définir ce qui, notamment dans le domaine de la sexualité et de l’identité de genre, serait "normal", ou non.

Que voulez-vous dire ? 

Des normes, construites au cours des siècles, et qui ont la vie dure, continuent, on le sait, d’une part à distinguer des sexualités "normales" d’autres, qui ne le seraient pas. Et, d’autre part, à poser, en s’appuyant sur la seule anatomie, que l’on serait, sans nuance possible, soit "homme", soit "femme".

Ce que réfute l’étude du psychisme, qui montre - et Freud l’a expliqué - qu’il y a, chez chaque être, une bisexualité (qui peut se réaliser, ou non, mais qui est là), et, quel que soit son sexe anatomique, du masculin et du féminin. Ce qui explique qu’une personne puisse en arriver à se sentir d’un genre qui ne correspond pas à son sexe anatomique : femme, dans un corps d’homme, ou homme, dans un corps de femme. Et c’est probablement ce décalage, toujours possible, entre l’anatomie et le psychisme, qui affole - au sens propre - certaines personnes, et déchaîne leur agressivité.

Pourquoi ce déchaînement de violence ?

Parce que l’idée de la bisexualité est inquiétante. Du fait des normes sociales, que j’ai évoquées, mais surtout parce que "se penser double" peut être très angoissant, les adolescents en témoignent. Éliminer le psychisme, pour s’en tenir à l’anatomie, peut donc être une tentation rassurante ; et l’un des agresseurs de la personne "trans" dont nous parlons, l’a très bien montré. Confronté à elle, il a exhibé son pénis.

Comme si la vision de cette personne qui, bien que née dans un corps d’homme, se sentait femme, faisait tellement vaciller ses certitudes quant à sa propre identité, sa propre masculinité (et sa propre supériorité supposée de mâle), qu’il était obligé, pour la prouver aux autres et surtout pour s’en assurer lui-même, de montrer son pénis. Ce qui tendrait à prouver que le maintien dans l’obscurantisme a des racines inconscientes, qu’il ne faut pas négliger.

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