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Intelligence artificielle : un magazine littéraire de science-fiction se retrouve débordé par les propositions d'histoires écrites par des ordinateurs

L'intelligence artificielle, Chat GPT, est au cœur de l'actualité avec ses nombreuses dérives. Le magazine littéraire américain 'Clarkesworld', spécialisé dans la science-fiction, a été inondé de propositions de nouvelles à publier, clairement écrites par une machine.
Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une capture d'écran du site ChatGPT. (PIERRE TEYSSOT / MAXPPP)

Clarkesworld est un magazine réputé aux Etats-Unis : il publie depuis 17 ans, des nouvelles de science-fiction du monde entier. Il a gagné plusieurs Hugo Awards, sorte de prix Goncourt ou Oscars de la science-fiction. Or, il y a quelques jours, le directeur de la revue, Neil Clarke, a annoncé qu’il n’acceptait provisoirement plus les œuvres envoyés à la rédaction. "Pas difficile de deviner pourquoi", explique-t-il. Il a été submergé ces dernières semaines de propositions qui ne venaient clairement pas de vrais auteurs.


Avant octobre 2022, le magazine rejetait environ 25 propositions par mois pour plagiat ou pour avoir été écrites avec de l’intelligence artificielle. En décembre 2022, c’est-à-dire juste après que Chat GPT sur Internet, on est passé à 50 rejets, puis 120 le mois dernier et plus de 500 avant même la fin du mois de décembre. Ingérable donc en attendant de trouver une solution, Clarkesworld a fait une pause. 

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Des outils pour détecter l'IA chers et peu fiables

Pour reconnaître ces histoires écrites par l'intelligence artificielle, "il suffit de les lire", abonde Neil Clarke. C’est assez clair dès la première page. La qualité est très médiocre, la tournure de phrases curieuse. Il ne veut pas détailler sa méthode pour les repérer, il ne faudrait pas donner l’opportunité à ces faux auteurs de s’adapter. Le problème, c’est la masse. L’intelligence artificielle n’écrit pas forcément mieux qu’un humain, mais elle écrit beaucoup plus vite. Il existe bien des logiciels pour détecter des textes écrits avec l’IA. Mais ils sont chers et leur efficacité est discutable : ils peuvent identifier de l’IA quand il n’y pas, si l’auteur n’est pas parfaitement bilingue, ou ne pas la voir quand il y en a.

Neil Clarke pourrait changer les règles de soumission, par exemple interdire la production de certains pays, visiblement, les nouvelles viennent de trois pays en particulier, mais des auteurs légitimes de ces pays seraient pénalisés, ou encore ne pas accepter les auteurs inconnus, mais la science-fiction a besoin de nouvelles voix. Une situation compliquée donc, surtout que l’intelligence artificielle progresse très vite et risque de devenir de plus en plus difficile à identifier. En plus, Microsoft, Google et Baidu ont développé des concurrents de Chat GPT.
 
Derrière cet afflux, il n'est pas question que de littérature : Clarkesworld paie 10 à 12 cents par mot, un tarif très compétitif sur le marché, donc ceux qui veulent se faire de l’argent facile le sollicitent. En février, Amazon avait au moins 200 livres dans son catalogue écrits par de l’intelligence artificielle. Ils ne se vendent pas nécessairement très bien, mais puisque l’écriture ne demande aucun effort, ça reste une bonne affaire. L’inquiétude monte aussi dans les rangs universitaires ou même dans les lycées, sachant que l’intelligence artificielle est nourrie de ce qui a été écrite, c'est la porte ouverte à toutes les tricheries. 

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