Le Prix franceinfo 2023 de la bande dessinée d'actualité et de reportage : la sélection

Deux grandes tendances dans la sélection 2023 du Prix franceinfo de la bande dessinée d'actualité et de reportage : d’une part les biographies et autobiographies de journalistes, d’autre part les enquêtes et reportages.

Les journalistes croqués

Les auteurs de bandes dessinées brossent avec acuité le portrait de celles et ceux qui ont marqué l’histoire de la presse. À commencer par Albert Londres, dont le nom est aujourd’hui synonyme de la plus prestigieuse récompense qu’un reporter puisse recevoir. En 1914, Albert Londres racontait la cathédrale de Reims en feu, après un bombardement allemand. Dans les années 1920, il décrivait la Russie des soviets et le bagne de Cayenne.

Albert Londres doit disparaître de Frédéric Kinder et Borris est publié aux éditions Glénat.

Aux États-Unis, en 1916, une suffragette se faisait reporter pour dénoncer le sort réservé aux noirs. Elizabeth Freeman enquêtait sur le lynchage d’un jeune afro-américain, commis à Waco, au Texas.

Lisa Lugrin, Clément Xavier et Stéphane Soularue signent Waco Horror, Elizabeth Freeman, l’infiltrée, aux éditions Glénat.

Cela fait plusieurs années que Jean-David Morvan se donne pour mission de rendre compte du travail et du talent des photoreporters, pendant longtemps les seuls, bien souvent, à aller au plus près des événements, au péril de leur vie. Dans Magnum Génération(s), aux éditions Caurette, il retrace le parcours de Robert Capa, Gerda Taro, David "Chim" Seymour, Henri Cartier-Bresson, George Rodger, Werner Bischof qui, entre autres, ont fait l’agence photographique Magnum.

Pour Magnum Génération(s), Locquet, Scietronc et Ortiz mettent en images ces destinées fabuleuses et tragiques.

Sous le titre Je suis toujours vivant, le journaliste italien Roberto Saviano témoigne de l’enfer qu’est devenu son quotidien pour avoir défié la mafia. Contraint de vivre sous protection, sans cesse en mouvement, caché la plupart du temps, l’auteur de Gomora se met en scène dans une BD dessinée par l’israélien Asaf Hanuka.

Je suis toujours vivant, une coédition Gallimard/Steinkis.

Il est des souvenirs de journalistes plus légers. Ceux de Marie Colmant et Gérard Lefort au festival de Cannes, sont gorgés d’anecdotes, souvent savoureuses.

Mises en scène par le dessinateur Pochep, Nos Années folles, aux éditons Casterman.

Ersin Karabulut n’est pas journaliste, mais dessinateur, caricaturiste. Son autobiographie, Journal inquiet d’Istanbul, en dit beaucoup sur la société turque contemporaine et ses contradictions. Ce journal inquiet est publié aux éditions Dargaud.

Du journalisme dessiné

De bonnes BD sont en elles-mêmes des enquêtes et des reportages.

Le Monde merveilleux d’Amazon passe au scanner le géant du numérique devenu leader mondial de l’e-commerce. Son patron, Jeff Bezos, n’en sort pas grandi. De l’optimisation fiscale dont l’entreprise est devenue un champion aux difficiles conditions de travail des salariés qualifiés ici de chair à carton, en passant par la mobilisation des populations qui s’opposent à l’implantation sur leurs territoires d’entrepôts géants, le logo au sourire en forme de flèche fait grise mine.

Le Monde merveilleux d’Amazon, une coédition de Mediapart et La Revue Dessinée.

Notre monde numérique a également inspiré Philippe Squarzoni. Remarqué il y a dix ans pour son ouvrage Saison brune, qui tentait de décrypter les rouages des décisions en matière d’inaction climatique, l’auteur revient avec Saison brune 2.0. Sous-titré (nos empreintes digitales), le livre reconstitue l’immense puzzle qui nous permet d’avoir un smartphone dans la poche.

Des mines de métaux rares aux serveurs informatiques géants en passant par les réseaux de fibres sous-marins qui tapissent les océans, la révolution numérique s’y révèle une folie environnementale. Vous ne regarderez plus en toute innocence un chaton mignon sur votre réseau social préféré.

Saison brune 2.0, aux éditions Delcourt.

Journalistes à Radio France, Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet ont enquêté sur 40 ans de financement politique. Où il apparaît, sans forcément aller jusqu’à la corruption, que nos élites ont un rapport décomplexé, dirons-nous, avec l’argent. Sous le crayon du dessinateur Erwann Terrier prennent vie des visages rarement inquiets. Les pratiques décrites apparaissent pourtant pour le moins contraire à toute éthique.

Très chers élus, coédité par La Revue Dessinée et les éditions Delcourt.

Comment oublier que 2022 fut une année d’élection présidentielle. Pour les dessinatrices Louison et Dorothée de Monfreid et les dessinateurs Kokopello, Mathieu Sapin, Lara et Morgan Navaro, elle fut l’occasion de suivre une douzaine de candidats, de meetings en plateaux télé. Vu des coulisses, tout est vrai et souvent drôle.

Carnets de campagne, coédité par Dargaud et les éditions du Seuil.  

Le  Prix franceinfo de la Bande dessinée d’actualité et de reportage 2023 sera annoncé mardi 10 janvier.