Histoire d'une jeune femme en cheveux

Dans "Racines", Lou Lubie parvient à aborder les sujets de société - racisme, sexisme, recherche d'identité - en ne parlant que de cheveux. Et d'abord des siens, crépus, qu'elle a eu du mal à dompter, puis à accepter.
Article rédigé par Jean-Christophe Ogier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Ses cheveux, son identité. (LOU LUBIE, DELCOURT)

Figurez-vous qu’on peut tenir sur l’identité un discours construit, complexe et riche en informations, en ne parlant que des cheveux. Ceux de la dessinatrice Lou Lubie tiennent une grande place dans sa vie.

Une chevelure envahissante 

Métisse à la peau très claire née à La Réunion, on ne penserait pas Lou Lubie "racisée", comme on dit aujourd’hui, n’était-ce ces cheveux crépus – elle, emploie le mot de texturé.

Les cheveux renvoient une image de nous-mêmes. Ça vaut pour tout le monde. Dans Racines, Lou Lubie raconte et démontre comment la culture mondiale et les rapports sociaux valorisent les cheveux lisses au détriment de tous les autres.

"Des exemples, il y en a plein. Michel Obama a gardé ses cheveux lissés tout au long du mandat de son mari à la présidence des Etats-Unis en déclarant : "Les Américains ne sont pas prêts."

L'autrice, Lou Lubie

à franceinfo

Si Lou Lubie parle de sa situation personnelle, racontant que, petite fille, elle priait pour se réveiller avec des cheveux lisses, et que longtemps elle a pu souffrir de dysmorphophobie – la peur que tout le monde remarque ce qu’elle considérait comme un défaut physique – elle élargit fort pertinemment son sujet pour mener une véritable enquête.

Une histoire joliment brossée

De laboratoires biologiques en salons de coiffures spécialisés, on apprend que tous les types de cheveux ne poussent pas pareillement, ne réagissent pas de la même manière à la pluie ou que l’entretien de cheveux texturés n’est pas une sinécure. Il faut compter jusqu’à six heures pour se faire faire un joli tressage. Il faut beaucoup d’argent pour en prendre soin.

C’est aussi toute une histoire : celle de l’Egypte antique, des communautés africaines et de l’esclavage aux Etats-Unis. Et l’on comprend comment une coupe afro, une belle boule de cheveux crépus, devient un geste politique, une résistance au racisme. Au point de s’exprimer à travers le mouvement "nappy" – comprenez natural + happy – une manière de reconquérir sa place dans l’espace public.

Jusque sur la couverture du livre, totalement envahie par la chevelure de notre héroïne. Elle y apparaît tendrement endormie, au centre de sa masse débordante de cheveux crépus.

Racines, de Lou Lubie, aux éditions Delcourt.  

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.