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Le Pen-Zemmour : "C'est la première fois qu'il y a deux candidats importants à la droite de la droite", analyse le politologue Erwan Lecoeur

Alors que le dernier sondage Ipsos Sopras-Steria pour franceinfo donne les deux candidats à égalité, le politologue Erwan Lecoeur estime que Marine Le Pen a encore de nombreux avantages face à Eric Zemmour.

Article rédigé par franceinfo
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Erwan Lecœur, sociologue et politologue, spécialiste de l’extrême droite, lundi 7 février 2022. (FRANCEINFO)

"On a deux poids lourds qui s'équilibrent sociologiquement, politiquement et médiatiquement", a indiqué Erwan Lecoeur, sociologue et politologue, spécialiste de l'extrême droite et de l'écologie, ce lundi sur franceinfo, alors que le dernier sondage Ipsos Sopra-Steria pour franceinfo et Le Parisien Aujourd'hui-en-France donne Éric Zemmour et Marine Le Pen à égalité, avec 14% d'intentions de vote chacun. "C'est la première fois qu'il y a vraiment deux candidats importants à la droite de la droite", a-t-il ajouté, car dans le duel Le Pen - Mégret dans les années 90, "il y en avait un qui prenait l'ascendant sur l'autre, incarnant la seule possibilité pour ces électeurs". Et surtout, "cette fois, il quelque chose de l'ordre de 'ce serait possible', 'ils vont enfin gagner'".

Avantage Le Pen

Dans ce match Le Pen - Zemmour, le sociologue donne l'avantage à la candidate du Rassemblement national, qui "est encore en tête dans la course", et qui aurait "a priori" une plus grand réserve de voix parmi les abstentionnistes. Avantage aussi en termes d'image : Éric Zemmour "est très fort médiatiquement" car "il a le groupe Bolloré derrière lui" mais "il clive beaucoup plus" en "faisant du Le Pen père" a estimé Erwan Lecoeur, tandis que Marine Le Pen "s'est recentrée, tranquillisée, présidentialisée" et pourrait, dans la mesure où elle atteindrait le second tour, "récupérer les gens déçus, les gens énervés, en colère qui se trouvent derrière Éric Zemmour".

"Pour le moment, c'est Marine Le Pen qui a réussi le pari d'élargir auprès des femmes, des jeunes, des classes plutôt populaires, son électorat et elle peut encore éventuellement continuer à l'élargir", a analysé le sociologue, alors que "la seule possibilité" d'élargissement d'Éric Zemmour "c'est d'aller chercher du côté de la droite de Valérie Pécresse et d'Éric Ciotti". Selon Erwan Lecoeur, Marine Le Pen a parmi ses objectifs celui de "rendre Éric Zemmour plus inquiétant qu'elle", ce qui lui permet "de se recentrer pour devenir présidentiable". "Elle a quand même mis en-dehors du Front national un certain nombre de radicaux, les cathos traditionnalistes, les identitaires" pour aller chercher "l'électorat ni-niste, ni droite, ni gauche, Français d'abord", mais aussi "plus de femmes" et "des homosexuels", pour prendre une "posture plus populiste que nationaliste de droite."

Selon lui, "on a l'impression de se retrouver un peu avant le 21 avril 2002 avec Jean-Marie Le Pen, au niveau de l'abstention, de la configuration, du distinguo Le Pen / Mégret qui, à l'époque, agitait la campagne et du fait que la violence, l'insécurité, sont sur toutes les chaînes de télévision", à l'exception près que Jean-Marie Le Pen a "incarné la possibilité d'une victoire", là où "Marine Le Pen, elle, veut le pouvoir". Par ailleurs, la candidature d'Éric Zemmour tend "à normaliser" Marine Le Pen, considérant qu'Éric Zemmour est peut-être "ce qui pouvait lui arriver de mieux, si elle arrive au second tour".

Marine Le Pen "doit reprendre la main" sur le récit médiatique

Alors qu'elle s'est montrée plus offensive avec Éric Zemmour ces derniers temps, l'accusant d'avoir "quelques nazis" au sein de son mouvement, Erwan Lecoeur a considéré que Marine Le Pen "fait exactement ce qui avait été fait avec Bruno Mégret [qui avait claqué la porte du FN en 1998 avant de se présenter à l'élection présidentielle de 2002]".

"Elle a compris que cette campagne allait se jouer de façon médiatique, donc elle redonne corps à une saga, la saga Le Pen, qui nous a énormément attirée pendant 20-30 ans avec Jean-Marie, puis Marie-Caroline, la traîtresse, puis Marine, le nouveau monstre mais en plus gentil."

Erwan Lecoeur, sociologue

à franceinfo

Selon lui, "la saga Zemmour a réussi à agiter la campagne, les médias en sont friands, donc Marine Le Pen sait qu'elle doit reprendre la main en terme de récit médiatique en racontant le récit de tout le monde m'abandonne, ce sont des traitres et vous êtes les fidèles", en référence notamment au fait que sa nièce, Marion Maréchal Le Pen, a fait savoir qu'elle ne voterait pas pour elle.

Quant aux divergences de thèmes prioritaires entre les deux candidats, Erwan Lecoeur a trouvé "hallucinant" qu'Éric Zemmour "parle de choses dont les Français se fichent un peu". Selon le sociologue, "les sujets d'inquiétudes des Français, c'est la santé, les inégalités et la crise climatique" et non pas l'islam et l'insécurité : "Éric Zemmour travaille sur les peurs, les angoisses et les frustrations (…) parce qu'il est plus facile d'instrumentaliser ces peurs là, mais néanmoins ce ne sont pas les préoccupations principales des Français."

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