Retour de jihadistes français : "Nous sommes face à des gens qui sont davantage déçus que repentis", rappelle François Molins
Près de deux ans après les attentats du 13-Novembre, François Molins, procureur de la République de Paris en charge des questions terroristes, était l’invité de franceinfo. Il a notamment abordé la question du retour des combattants jihadistes en France, davantage "déçus" que "repentis".
François Molins, procureur de la République Paris en charge des questions terroristes, était l’invité de franceinfo vendredi 10 novembre, près de deux ans après les attentats du 13 novembre 2015 qui ont endeuillé la France. Alors qu’est évoquée la débâcle de Daesh dans la zone irako-syrienne, l’Etat français doit faire face au retour de combattants jihadistes sur son territoire.
295 femmes et 28 mineurs de plus de 15 ans
Selon François Molins, les services secrets français estiment à environ 690 les personnes qui se trouvent dans la zone irako-syrienne. Parmi elles, 295 femmes et 28 mineurs combattants de plus de 15 ans. Dans son chiffre, il ne tient pas compte des mineurs non combattants, dont le nombre est estimé à 400. "La majorité des combattants, explique François Molins, sont plutôt tentés par un maintien sur zone et devraient se diluer dans la zone irako-syrienne. La majorité d’entre eux n’a pas envie de revenir en France compte tenu des poursuites judiciaires dont ils font l’objet." Et pour cause : les personnes identifiées ont, assure le procureur de Paris, été judiciarisées et font l’objet d’un mandat de recherche ou d’un mandat d’arrêt.
Le phénomène du retour en France concernerait donc dans la plupart de cas des femmes, le plus souvent des veuves, avec des enfants. Il faut, selon lui, raisonner au cas par cas au regard de deux principes : "Il faut se départir de toute naïveté. Je n’ai pas perçu véritablement de regret dans ce que j’ai entendu."
Davantage déçus que repentis
Aussi, prévient le magistrat, il s’agit de ne pas confondre la déception, la désillusion et le repentir. "Nous sommes face à des gens qui sont davantage déçus que repentis, indique-t-il. Il faut faire attention : nous allons être confrontés à des mineurs ou des femmes qui ont été souvent formés au maniement des armes."
Nous faisons face à des appels au jihad qui continuent et qui s’adressent aussi à des mineurs et des femmes en leur demandant d’y prendre une part active.
François Molins, procureur de Parisfranceinfo
Ensuite, la France, rappelle-t-il, n’est pas seule : la plupart de ces personnes ont été arrêtées dans des Etats souverains. La souveraineté des Etats leur donne donc le droit de décider s’ils souhaitent les juger dans leur pays ou les rendre au pays de leur nationalité. Certains risquent d'ailleurs la peine de mort en Irak. "Cela fait partie du paquet souveraineté des Etats. L’Irak a la législation qui est la sienne", a confirmé François Molins.
Outre les Français détenus à l'étranger, actuellement, en France, il y aurait, selon le procureur de Paris, 398 individus mis en examen, dont 260 sont placés en détention provisoire conformément aux réquisitions du parquet dans des affaires liées au terrorisme.
Deux ans après les attentats du 13 novembre, l'instruction "est toujours en cours et les juges d'instruction espère clôturer le dossier au printemps 2019", a déclaré François Molins. Il décrit un dossier "tentaculaire" : "On compte aujourd'hui plus de 220 tonnes de procédures, un peu plus de 28 000 procès-verbaux et on a vraiment été confrontés dans ce dossier à une cellule terroriste d'une ampleur inédite, avec des investigations qui ont révélé de très fortes connections entre les différents attentats du 13 novembre, mais aussi en France et en Belgique." François Molins ne veut pas se prononcer sur une éventuelle date de procès. L'instruction devrait se poursuivre pendant de longs mois.
Le "difficile" procès Merah
Le procès Merah, lui, a connu son épilogue : Abdelkader Merah, le frère de Mohamed Merah, auteur des tueries de Toulouse et de Montauban en mars 2012, a été condamné le 02 novembre à 20 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste mais sa complicité n'a pas été reconnue. Ce qui a déçu certaines parties civiles. "C'était un procès difficile, concède le magistrat, avec une forte charge émotionnelle, parce que le principal responsable des attentats n'était pas là."
"Il n'a jamais été question de faire de ce type de procès une justice spéciale. C'est une époque révolue, estime François Molins. C'est une justice qui fonctionne en respectant les critères et les canons conventionnels et constitutionnels et qui nécessite la même exigence probatoire. C'est une justice spécialisée, pas une justice spéciale." "Elle offre au justiciable, quoiqu'il ait fait, les mêmes protections, les mêmes garanties de procédure pénale."
Enfin, le magistrat est revenu sur les dix personnes interpellées mardi en France et en Suisse dans le cadre d'une opération antiterroriste : "C'est, indique-t-il, un groupe d'individus qui correspond sur des réseaux sécurisés et qui tenaient des propos extrêmement violents, évoquant un passage à l'acte dans les mois (à venir), avec des cibles indéterminées le jour où on est intervenus." François Molins confirme que ces dix personnes ont entre 18 et 65 ans, et qu'"un ancien militaire" se trouve parmi elles, "converti et musulman radical".
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