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Patrick Artus : "Il faut un revenu universel ciblé sur les personnes précaires"

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Patrick Artus : "Il faut un revenu universel pour les personnes précaires"
Article rédigé par franceinfo
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Patrick Artus, chef économiste à Natixis, était l’invité de Jean-Paul Chapel dans ":l’éco". L'occasion de parler des perspectives que va connaître l'économie au lendemain de la crise, thème qu'il développe dans son ouvrage « L’économie post-COVID », coécrit avec Olivier Pastré.

Dans son nouveau livre, "L'économie post-Covid: Les huit ruptures qui nous feront sortir de la crise", coécrit avec Olivier Pastré aux éditions Fayard, Patrick Artus détaille les caractéristiques économiques de la crise actuelle. Il la considère à la fois différente de la crise de 2008, mais aussi d'une intensité nettement plus grave. Il souligne que cette ampleur est liée "à des raisons mécaniques, car on a fermé l’économie avec confinement", mais avec des effets de long terme "beaucoup plus violents". "Avec la crise actuelle, les comportements (prendre l’avion, télétravailler..) changent de façon importante. Il va être très difficile, pour les politiques économiques, de faciliter le transfert des nombreux emplois des secteurs qui vont mal vers ceux secteurs qui vont bien. Il va pourtant falloir que les salariés des secteurs touchés (aéronautique, automobile) deviennent à terme informaticiens, ou qu’ils aillent travailler dans l’hôpital pour beaucoup d’entre eux. Les systèmes de formation professionnelle ne sont pas adaptés à un problème massif de ce type".

Patrick Artus dit notamment craindre une importante hausse de deux types d’inégalités sociales : "En premier lieu, celle déjà existante des personnes protégées (en CDI) contre celles qui ne le sont pas. L’OCDE nous dit qu’il y a un quart d'emplois « temporaires » (contrats court, intérim, intermittence...), qui ont des pertes de revenus qui peuvent être considérables." Il préconise de mettre en place un revenu universel, mais ciblé sur les personnes touchées par la crises : "Nous défendons, dans ce livre, l'idée d'un revenu universel ciblé sur les catégories fragiles. Il est dirigé vers les personnes qui vont devoir enchainer des petits boulots, qui leur permettra de se former tout en ayant un revenu permanent. Cela sera utile eux jeunes, dont beaucoup vont avoir envie de faire une année d’étude supplémentaire, car ils s’aperçoivent qu’ils auront besoin de nouvelles compétences."

"L’immobilier va prochainement connaître de fortes hausses de prix"

Le chef économiste de Natixis dit craindre une seconde inégalité. "Il faut se préparer à une grande différence de traitement entre les salariés. Les entreprises vont mal, et donc vont être extrêmement restrictives sur les salaires. Mais dans le même temps certains des plus riches vont profiter d'une hausse de la valeur des actifs. Cela est dû aux politiques monétaires ultra expansionnistes des banques centrales, qui inondent l'économie de monnaie pour tenter de faire remonter les taux d'intérêts et les prix. Ce surplus de monnaie va augmenter la demande d'actifs, créant des bulles, en particulier sur les biens immobiliers, ce qui est renforcé par les taux d'intérêt réel (corrigés de l'inflation) qui sont négatifs. Cela crée un contraste choquant entre les salariés qui verront leurs revenus gelés, et les possesseurs de biens immobiliers qui vont s'enrichir en voyant la valeur de leurs actifs augmenter. Il va falloir réfléchir à un moyen raisonnable de traiter cette inégalité. Cela pose également la question redoutable de savoir ce qu'est un enrichissement mérité. Selon moi, un enrichissement seulement dû à la politique de la Banque centrale européenne ne l'est pas".

Selon Patrick Artus, le retour à la situation d'avant crise prendra du temps. En effet nous sous-estimons, selon lui, la durée et les effets à long terme que provoque la crise sur les perceptions et les comportements : "Aujourd’hui, nous sommes en plein dans l’épidémie, mais il y aura un vaccin. Le vrai sujet est de savoir si après ce vaccin, tout redeviendra normal... La réponse est non."

L'entretien s'est achevé en musique, avec le 4ème concerto Brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach (en sol majeur, BWV 1049, partie I : Allegro).

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