: Vidéo Esther Duflo sur un impôt sur la richesse : “Un impôt collectif, au moins coordonné d’un État à l’autre, permettrait de limiter le problème de fuites fiscales."
Esther Duflo, économiste, prix Nobel d’économie 2019, était l'invitée de :l'éco ce mercredi 20 mai 2020.
Esther Duflo, économiste, prix Nobel d’économie 2019 et co-auteure du livre “Économie utile pour des temps difficiles", estime que le plan de relance européen de 500 milliards d’euros est “une très bonne chose”. “Est-ce que ce sera à la hauteur ? On ne le sait pas encore mais c’est déjà très bien que ça se rajoute à ce qui avait été déjà annoncé. Aujourd’hui, les États peuvent emprunter quasiment à taux zéro, en tout cas les États avec une bonne situation de crédit comme la France et l’Allemagne, et l’Europe dans son ensemble. Il faut en profiter au maximum pour maintenir l’économie, éviter que la crise ne se transforme en une récession, ou une dépression massive.”
Pour Esther Duflo, de nouvelles fausses évidences ont circulé dans la sphère économique pendant la crise. “Elles se multiplient, ce qui est un petit peu normal dans des circonstances où on est aujourd’hui. On essaye de faire sens de la situation qui est autour de nous, qui est nouvelle, qu’on comprend mal. Dans notre livre, on parle beaucoup des dommages du commerce international, des difficultés que le commerce international a fait vivre aux gens. On n’est pas du tout des partisans effrénés de la globalisation. Mais on entend beaucoup dire : “Si seulement il y avait eu moins de commerce international, il n’y aurait pas eu de crise du Covid-19.” Je ne comprends pas du tout d’où ça vient. Si on dit : "Maintenant qu’il y a cette crise, on se rend bien compte que les chaînes d’approvisionnement internationales sont fragiles, et donc il faut fermer nos frontières, il faut essayer de tout produire localement." Ça me paraît aussi être une réponse complètement déplacée à la question. Je pense que le commerce international n’a rien à voir au problème du Covid. La mobilité des gens bien sûr a à voir avec le problème de la transmission du Covid d’un endroit à l’autre mais ce n’est pas vrai qu’on va fermer toutes nos frontières aux déplacements de tout le monde, tout le temps. Ce n’est pas une façon dont on veut vivre en tant qu’humain. Le commerce lui-même je ne vois pas ce qu’il a à voir avec cette affaire et ça c’est un des amalgames qu’on voit.”
Esther Duflo est favorable à un impôt sur la richesse. “J’étais contre la suppression de l’ISF, donc je suis pour son rétablissement. À nouveau, Covid ou pas Covid, je pense que l’impôt sur la richesse de manière générale, pas forcément la manière dont l’ISF est structuré, est un outil très important dans les armes fiscales que les gouvernements ont pour dépenser pour le bien public et assurer la redistribution. On pourrait saisir ce moment où il y a une collaboration européenne, en particulier une forte collaboration franco-allemande, pour faire de cet impôt sur la richesse un impôt collectif, ou un impôt qui soit au moins coordonné d’un État à l’autre. Ce qui permettrait de limiter le problème de fuites fiscales.”
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