Guy Forget : "Nous ferons tout pour que Roland-Garros arrive à son terme"
Guy Forget, directeur de Roland-Garros, était l’invité de Jean-Paul Chapel dans :l’éco. L’occasion de faire un bilan de santé économique du célèbre tournoi de tennis sur terre battue, fortement pénalisé par les restrictions sanitaires : seuls 1000 spectateurs par jour peuvent assister au tournoi du Grand Chelem parisien.
Meilleur joueur de tennis français dans les années 1990, capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis dans les années 2000, Guy Forget est aujourd’hui directeur du tournoi de Roland-Garros. Reporté de justesse suite à la crise sanitaire, le tournoi Parisien a obligation d’accueillir 1000 spectateurs par jour, soit 3 % de la capacité habituelle du site de 12 hectares. Une situation que Guy Forget trouve "frustrante", soulignant que le tournoi était en capacité d’accueillir beaucoup plus de spectateurs tout en respectant les gestes sanitaires. "Heureusement, les diffuseurs permettront de faire bénéficier les images du tournoi à tous", parmi lesquels font partie France Télévisions.
"Roland-Garros est le tournoi du Grand Chelem le plus égalitaire. Nous avons modifié la grille de gains de afin que les joueurs moins bien classés puissent survivre en cette période difficile"
Pour faire venir les joueurs sur la terre battue parisienne et compenser la perte de recettes (en terme de billetterie, de places réservées aux entreprises, de dotation des sponsors..), le tournoi a dû diminuer ses dépenses, notamment les primes accordées aux joueurs. Si elle reste paritaire, la dotation globale est en baisse de 11 % par rapport à 2019. Mais les dirigeants de Roland-Garros ont tenu à ne pas pénaliser tous les joueurs, en augmentant la dotation des éliminés au premier tour, ainsi que des qualifiés. "On parle beaucoup des meilleurs joueurs que sont Roger Federer, Rafael Nadal ou Novak Djokovic. Mais il y a beaucoup de joueurs au-delà de la 100ème place mondiale qui n’ont pas de travail depuis des mois. Il nous paraissait important de maintenir les qualifications, en augmentant de 30 % la rémunération des qualifiés. Cela contribue à leur permettre de payer leurs entraineurs, leurs structures, leurs voyages." Parmi les 4 tournois du Grand Chelem (composés aussi de l’Open d’Australie, Wimbledon et l’Us Open), c’est dans le tournoi parisien que l’écart entre les gains du vainqueur et d’un perdant du 1er tour est le plus petit. "Les grandes stars du tennis gagnent beaucoup plus d’argent avec leurs contrats publicitaires que sur leur prize money. Pour les autres joueurs, ce sont des tournois comme Roland-Garros qui leur permettent de payer leur saison" explique Guy Forget.
Au-delà du seul tournoi, c’est tout le tennis français qui aurait été pénalisé par une annulation de Roland-Garris. "Les recettes de la fédération française de tennis proviennent à 85 % de Roland-Garros. C’est pour cela que son président Bernard Giudicelli a voulu à tout prix sauver ce tournoi en le déplaçant en automne, ce qui avait fait grincer les dents des autres tournois du Grand Chelem. Malgré la perte de recettes, le tennis français va pouvoir s’en relever. Le tennis est un sport extrêmement populaire en France. Nous nous battons pour continuer à attirer des jeunes filles, des jeunes garçons et que tout le monde puisse vivre de ce fabuleux sport." Il concède que l’investissement la rénovation du court Philippe Chatrier, qui a coûté environ 380 millions d’euros, ne sera pas rentabilisé cette année. "Mais ce n’est qu’un début", souligne-t-il. "Le toit, qui est pièce maitresse du nouveau Central, est terminé. Nous allons aussi couvrir le court Suzanne Lenglen pour 2023. Le stade est magnifique, et malgré les conditions, nous tenons à aller au bout de ces travaux d'ici les Jeux Olympiques de 2024."
"Quand Rafael Nadal ou Novak Djokovic jouent sans spectateurs, c’est aussi bizarre que de voir un groupe de rock ou un théâtre sans public"
Mais avant, l’édition 2021 du tournoi arrivera-t-elle à son terme ? Avec le renforcement des mesures sanitaires et une météo qui s’annonce très pluvieuse, la question peut se poser. Mais Guy Forget reste optimiste : "Malgré le mauvais temps, malgré les contraintes sanitaires, on se bat. Toutes les équipes ont fait un travail remarquable. Les plus grands joueuses et joueurs ont répondu présent, arrivant parfois une semaine avant le tournoi. Ils sont heureux d’être à Paris, malgré ces conditions difficiles." Il assure que l’absence du public n’entamera pas la motivation des joueurs, pour ce qui sera le dernier tournoi du Grand Chelem de la saison. "Ils veulent en découdre prouver qu’ils sont les meilleurs. En revanche, pour tous les fans et ceux qui ont fait des efforts pour que ce tournoi se déroule au mieux, il est curieux de voir ces allées et gradins vides avec des joueurs et joueuses au talent immense qui jouent avec si peu d’ambiance. Grâce à la télé et quelques applaudissements, on arrive à recréer quelque peu la magie du tournoi. Mais voir de grands champions avec si peu de spectateurs, c’est aussi étrange qu’un groupe de rock dans une salle de concert ou un théâtre sans public."
Selon Guy Forget, le tournoi reste toutefois très intéressant à suivre. "Rafael Nadal, qui a gagné à 12 reprise en 15 participations, sera favori, mais aussi le numéro 1 mondial Novak Djokovic. Il y a aussi Dominic Thiem, qui reste sur deux finales, et qui vient de gagner l’US Open." Chez les filles, il annonce un tournoi encore plus ouvert. "De nombreuses championnes comme Simona Halep, Serena Williams et Garbiñe Muguruza sont là. Mais les françaises peuvent tirer leur épingles du jeu, notamment Caroline Garcia, qui a gagné avec la manière son premier tour (contre Anett Kontaveit, tête de série n°17). Il faudra les suivre de très près !"
L’entretien s’est conclu en musique avec Sultans of Swing, de Dire Straits.
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